Allègrement déjanté et furieusement libre, "Dans la peau de Blanche Houellebecq" embarque Blanche Gardin et Michel Houellebecq dans un trip de cinéma doux dingue, rocambolesque et original.
Dans une scène de relatif repos où Houellebecq et Gardin hésitent à prendre des champignons hallucinogènes (qu’ils vont finalement prendre) : les personnages de Blanche et Michel s’interrogent sur le bien être qu’ils vont en retirer. Blanche dit : -on va être connecté. Michel répond : -à quoi ?
C’est toute la lucidité et la puissance hallucinatoire de ce dernier opus de Guillaume Nicloux : nous connecter à un monde pluriel, interlope et jamais manichéen tout en risquant sans cesse de décrocher ou de nous perdre.
"Dans la peau de Blanche Houellebecq" réussit ce tour de force d’écriture et de mise en scène de jouer subtilement avec les frontières du vrai et du faux, du faux-vrai documentaire sur les stars Houellebcq et Gardin et sur les fictions générées sur leurs possibles doubles ou sosies.
Film gigogne et si-cogne. Nous sommes au cœur de l’histoire. Emboîtés, cognés, ridiculisés. Tous. Mais avec un sens du génie et du corps d’esprit comme on dirait du mot d’esprit. Houellebecq est invité en Guadeloupe pour présider avec Blanche Gardin un jury de sosies de lui-même. Or qui est lui-même ? Celui qui fane les femmes, les noirs ou celui qui concourt avec le noir et les méandres de son âme. La séquence de défilé des sosies de l’écrivain est hilarante. Houellebecq reconnaissant à peine ses sosies, décontenancé même par tant d’afféterie ou dandysme où l’on voit des hommes, des femmes de toutes origines et genres arborer le look de l’écrivain: cheveux battus sur le visage, jean feu au plancher, clope tenue maladroitement.
Cette scène est le cœur du projet de Nicloux. Houellebcq n’en revient pas qu’on l’imite de si loin, si près. Lui qui semble (est-ce seulement une semblance ou la vérité) ne plus s’appartenir lui-même et flancher fort ?
Dans tout ce maelstrom de vies et de fictions aberrantes et peu sûres, abracadabrantes et phénoménales, Blanche Gardin surnage. Elle dit les choses avec un clair aplomb. Elle les dit au spectateur et à Houellebecq: -pourquoi tu donnes des interviews et parle de ta vie privée. Sois dans le travail et tais-toi !
Et de fait. Nicloux choisira de rendre Houellebecq aphasique dans son dernier chapitre. Mieux vaut laisser le champ à la déglingue parfaitement maitrisée de la mise en scène avec un Houellebecq hagard et touchant, humain plus qu’humain, proche de Michel Simon ou de tous les saints de l’humanité.
Il faut voir ce film pour savoir comment un metteur en scène travaille avec des acteurs la notion de vie et d’impromptu, de mélange des genres et d’adéquation. Comment un metteur en scène met de l’imprévisible ou de l’accident dans des scènes. Comment le cinéma surgit sans crier gare et combien nous ne savons pas sur quel pied danser du fictif ou du mentir-vrai. La première scène à cet égard avec Gaspard Noé, Jean-Pascal Zidi et Françoise Lebrun est détonante. Nous sommes chez Eustache, chez le cinéma tout entier et chez la vie tout court.
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