Il faut douze ans à Marc Caro pour retrouver le chemin des plateaux et s’atteler à la réalisation de son premier long métrage en solo. Ce sera Dante 01,
combat christique
du bien divin et miraculeux contre le mal des avides progrès technologiques dans le huis-clos claustrophobique d’une station spatiale aux frontières d’un ardent soleil.
Deux nouveaux arrivants « aux portes de l’enfer » dérèglent le train-train des occupants : un prisonnier inconnu, désorienté sous une vision troublée, et une jeune généticienne arriviste et hautaine. Ils rejoignent là la lie de l’humanité, les trognes de Dominique Pinon, François Levantal, Bruno Lochet, François Hadji-Lazaro, Yann Collette et Lofti Yahya-Jedidi, et deux médecins aux noms en adéquation avec leur fonction de gardiens de ces portes : Charon, Gérarld Laroche, et Perséphone, Simone Maicanescu. Casting agréable mais très inégal où certains font ce qu’ils savent, où d’autres se révèlent. Où d’autres encore se plantent lamentablement sans que cela n’ait jamais semblé déranger le metteur en scène. Au centre, Lambert Wilson, le messie des lieux, compose avec justesse la douleur sourde qui tend les chairs de cet
étranger mutique et désemparé.
Finies les mécaniques complexes à l’œuvre dans Delicatessen ou La Cité des Enfants Perdus. Seul, Marc Caro simplifie le scénario pour se concentrer sur le visuel et le son. Les influences sont nombreuses, à commencer par l’évidence d’Alien qui hantait déjà les courts-métrages du réalisateur et de son ancien compère plus de vingt ans auparavant : couloirs étroits et déserts dans l’espace, même le mirage palpitant que dévore à pleines mains le christ perdu là est une larve des parasites dessinés par HR Giger, même l’idée de cette station prison rappelle la quadrilogie. On retrouve aussi beaucoup du Bunker de la Dernière Rafale, court co-réalisé avec Jean-Pierre Jeunet, dans les crânes chauves de l’équipage, l’enfermement, les effets visuels tournés vers l’expérimental, le dérèglement systématique du huis-clos. Mais pour agréables qu’elles soient, les références ne font pas le scénario, et l’abandon des mécaniques pour aller raconter l’ésotérique,
l’avènement d’un christ
capable pour sauver trois pèlerins d’éteindre un soleil, a certes ses charmes graphiques sur l’équilibre entre fascination du vide sidéral et effets visuels expérimentaux, et pourtant ne suffit pas ; il sonne comme un creux dans l’espace laissé vacant. La réalisation est enlevée, le rythme bien trouvé, mais le creux scénaristique empêche les comédiens et l’auteur de trouver le ton de l’angoisse, le poids des enjeux.
Restent de belles prières crucifiées sur l’autel de la naïveté intacte de ce créateur.