Période fascinante que celle de la révolution française à travers les visages de Danton et Robespierre. Quand ces deux personnages s'emparent du pouvoir, le temps de l'enthousiasme et de la république a basculé vers une forme de la révolution plus radicale avant de sombrer vers autre chose.
Il y a deux films que j'ai bien envie de mettre en perspective : le "Danton" de Wajda (1983) et "la Terreur et la Vertu" de Stellio Lorenzi (1964) qui s'occupe spécifiquement des deux personnages.
Je commence aujourd'hui par le "Danton" de Wajda.
Le scénario de Jean-Claude Carrière s'inspire d'une pièce de théâtre d'une auteure polonaise du début du XXème siècle, dont j'écris le nom pour le fun, Stanisława Przybyszewska, passionnée par la révolution française et en particulier par le personnage de Robespierre. Ce en quoi, JC Carrière et Wajda s'en sont notablement écartés puisque le mauvais rôle dans le film est dévolu à Robespierre.
Le scénario s'appuie quand même sur une certaine vérité évènementielle dont je n'ai pas décelé, à ma connaissance, certes, pas très approfondie, de contre-sens ou de choses qui franchement me choquent. Sauf quelques amusants anachronismes comme celui de la "police politique" évoquée lors d'un débat …
Ce qui est assez fascinant dans ce film, c'est que Wajda a pris prétexte des deux personnages pour faire en arrière-plan une allégorie politique où Danton représenterait Lech Walesa et Robespierre, Jaruzelski. Ainsi, le film prend une dimension particulière où Danton/Walesa s'oppose aux comités de salut public du gouvernement Jaruzelski.
On peut même s'interroger sur cet éternel recommencement de l'Histoire, de cette éternelle et fatale évolution que connait toute révolution (censée résoudre des problèmes) depuis que l'Histoire existe.
Le film de Wajda est dominé par un Depardieu tour à tour triomphant, tendre, exalté dans le personnage de Danton. Jouisseur, viveur, tribun, généreux. L'homme qui avait aussi pris la mesure du sang versé sur ses mains. C'est vraiment l'image que je me suis toujours fait de Danton. Même si tout laisse supposer que les scrupules ne l'étouffaient pas forcément. Depardieu était l'acteur incontournable pour ce rôle.
Le rôle de Robespierre, froid et calculateur, obsédé par la mise en place de la nouvelle religion et "l'assainissement" des mœurs politiques, est dévolu à un acteur polonais Pszoniak (que je ne connais pas). Là encore, il correspond bien à l'imagerie populaire à laquelle je m'accroche volontiers … Je n'ai pas eu besoin de présentation pour reconnaître le personnage avec sa perruque poudrée, son allure (presque) aristocratique. Simplement, Wajda n'a pas poussé trop loin les feux car il montre quand même que Robespierre n'avait tout simplement plus d'autre choix, que d'avancer, malgré lui, dans une direction qui était la fin inéluctable de la révolution. Encore un parallèle prophétique à la situation intérieure polonaise.
Le reste du casting se partage entre acteurs français et polonais mais j'ai trouvé Jacques Villeret dans le rôle de Westerman excellent. De même, Patrice Chéreau dans celui de Camille Desmoulins ou encore Roger Planchon dans celui de Fouquier-Tinville
Grand film, très impressionnant, qui nous livre deux personnages en opposition. Si j'osais, je pourrais dire, deux images de la France, celle du compromis, du pragmatisme et celle de la rigidité, de l'aveuglement.
Seul bémol, la musique (Jean Prodromidès) un peu envahissante, censée en rajouter dans l'atmosphère anxiogène, ne m'a pas vraiment convaincu.
Après le visionnage du téléfilm de Stellio Lorenzi, "la Terreur et la Vertu", je dirais que les deux films concourent à montrer une même image de ces moments-clé de la révolution française à travers les deux personnages emblématiques Danton et Robespierre. Si le film de Wajda est plus spectaculaire, plus punchy, le film de Lorenzi développe peut-être un peu plus les autres personnages historiques.
Les deux films de Wajda et Lorenzi sont passionnants, superbement mis en scène et bien joués