Daphne est une jeune londonienne aux cheveux de feu et au tempérament à peine moins brûlant. Enchaînant les gueules de bois et les coups d’un soir, partagée entre sa personnalité de fêtarde cynique et son travail dans un resto branché, Daphne peine à trouver la bonne manière de vivre. Quand la violence ordinaire la rattrape sans prévenir, c’est le début pour elle d’une lente remise en question.
L’amour est une illusion. Il aura suffi d’une scène d’introduction teintée d’un humour british savoureux et quelques gros plans mélancoliques pour tomber en pamoison devant cette rouquine énervée contre tout et rien, petite chose fragile qu’il ne faut pourtant pas trop chercher. Dans ce maelström urbain qu’est la capitale britannique, Daphne s’est forgée une carapace impénétrable pour protéger son âme de femme libre. Ceux qui tentent de la séduire sont écartés, ceux qui veulent la canaliser ne récoltent qu’agacement et moqueries. Daphne n’est pas une tendre et celui qui lui dira quoi faire n’est pas encore né. Tenons-en pour preuve les séquences avec sa mère, très portée sur les médecines nouvelles et la spiritualité, avec qui Daphne entre en permanence en affrontement, quitte à sévèrement la malmener.
Si le film prend des risques à conter une histoire aussi banale (pour faire court, l’histoire d’une personnalité solitaire qui fait l’apprentissage des autres et de la vie), l’interprétation d’Emily Beecham, future grande comédienne, nous préserve de l’ennui et de l’attendu. La caméra suit partout cette silhouette dandinante dans ses sautes d’humeur, ses moments de doute, ses coups de folies, le tout sublimé par une image numérique d’une douceur bienveillante. A l’image de la ville de Londres, tantôt colorée et chatoyante, tantôt grisâtre et déprimante, Daphne est un personnage aux facettes multiples que le réalisateur se garde bien de totalement dévoiler. C’est d’ailleurs là la réussite de cette tranche de vie d’une heure trente ; à l’heure où le cinéma se complaît volontiers dans la transparence, le « montrer-tout », un peu de secret ne fais pas de mal. A n’en pas douter, cette petite friandise made in England ravira avec malice les amoureux d’un cinéma modeste et authentique.