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Portrait d’une anglaise d’aujourd’hui

Daphné est une rousse de 31 ans. A voir son comportement trop souvent immature, on lui en donnerait moins. Peu sociable, elle affiche régulièrement un mauvais caractère. Quand elle ne veut pas quelque chose, on comprend vite que ce n’est pas la peine d’insister. Cela vaut aussi bien pour sa mère qui a tendance à l’exaspérer que pour David (Nathaniel Martello-White) qui cherche à sortir avec elle, un livreur de pizzas à domicile et Joe (Tom Vaughan-Lawlor), son patron dans le restaurant où elle travaille comme serveuse. Pourtant, Joe se montre très compréhensif. Sentant qu’il pourrait perdre Daphné définitivement, il se livre en lui avouant être amoureux d’elle.


Cette situation de base va évoluer suite à deux événements déstabilisants. D’abord, Daphné doit faire au cancer de sa mère (Geraldine James). Cette dernière a beau affirmer se sentir bien et préférer des thérapies douces à un traitement classique, elle se reconnaît angoissée face à l’éventualité de sa mort prochaine. L’autre événement déstabilisant survient un soir, dans une sorte de petite épicerie tenue par un pakistanais qui se fait braquer par un intrus violent qui lui plante un couteau dans le thorax. Après un court instant de panique, Daphné appelle des secours et soutient le commerçant qui s’effondre, comme s’il était en train de mourir.


Suite à cette agression, Daphné a droit à une psycho-thérapie. Détestant la situation, elle se montre provocatrice et met brusquement fin à la première séance. Dans cette partie où on la voit se débattre avec ses relations conflictuelles, une scène me paraît assez révélatrice de son état d’esprit. Dans un bus elle sympathise avec une jeune mère devant qui elle évoque les raisons de son mal-être, provoquant une sorte de quiproquo. On comprend que, toujours sur la défensive, Daphné évite d’aborder les sujets importants devant ses relations et préfère s’ouvrir à des inconnus. Dans sa vie sentimentale également, Daphné se montre méfiante, voire désespérante, en enchaînant les relations épisodiques. Les raisons étant probablement à chercher avant le début du film. Elle refuse toute attache, prétendant que les sentiments (l’amour) sont de pures inventions destinées à abuser les personnes trop faibles. C’est en particulier le cas avec David qui se montre particulièrement patient. Elle ne supporte pas de sentir qu’il commence à s’attacher à elle. Finalement la psycho-thérapie qu’on l’incite à suivre est une chance pour Daphné, probable dépressive qui s’ignore depuis trop longtemps.


Inconditionnel.le.s du genre feel good movie, abstenez-vous. En effet, Daphné se montre régulièrement agaçante voire caractérielle. En gros, elle ne supporte pas qu’on cherche à lui imposer quoi que ce soit. Mais, Daphné le film est-il pour autant mauvais ? Je ne pense pas, car si le rôle du cinéma est de provoquer des émotions, ici on est servis. Heureusement, sa mère ne baisse jamais les bras alors qu’elle pourrait, mais… Daphné est sa fille. On appréciera également le travail du psy qui lui non plus ne se décourage pas. Vous me direz, c’est son métier. Ici, son rôle est bien mis en valeur, car il écoute, accepte le silence à l’occasion et guide Daphné vers ce qui peut l’aider. Il pose les questions permettant à la jeune femme de clarifier sa vision des choses : ce qu’elle ressent et non ce qu’on attend d’elle. Émerge donc la question de la normalité. En faisant la distinction entre celle communément admise et la sienne, Daphné apprend finalement à considérer que, dans cette histoire (l’agression), c’est à elle de décider ce qu’elle veut ou non. La suite montrera que cet entretient lui donne à réfléchir et la mène vers une décision qui lui va lui permettre d’aller déjà mieux. Il en sera de même pour sa relation avec sa mère.


Ce film déstabilisant possède donc des qualités peu ordinaires. En choisissant de mettre en scène un personnage qui ne manquera pas de rebuter, le réalisateur Peter Mackie Burns ne cherche pas la facilité, malgré l’attribution du rôle de Daphné à la charmante Emily Beecham qui se montre incroyablement crédible de bout en bout, point fondamental pour la réussite du film. Le réalisateur fait de Daphné un personnage qui, schématiquement, se montre désabusée avant même d’avoir vécu, considérant le monde (effectivement assez dur) comme un univers où elle n’a aucune chance de jamais s’épanouir. Avec tout son entourage, Daphné se montre limite cynique, la langue suffisamment bien pendue pour trouver réponse à tout.


Autour de Daphné, le réalisateur instaure une ambiance parfaitement crédible, avec un casting d’acteurs et actrices peu connu.e.s qui contribuent à crédibiliser l’ensemble. Il s’arrange pour mettre en scène aussi bien ses personnages (dans le cadre du travail, de la vie privée et en public) que la ville qu’il donne à voir dans ses différents aspects (la rue, un parc, quelques vues panoramiques, etc.), les magasins, la circulation (véhicules, piétons). La caméra surprend et s’attarde sur quelques situations qui sonnent comme si elles avaient été prises sur le vif. On sent l’ambiance nocturne, avec les bars et les boîtes de nuit. Concrètement, les cadrages, le montage et la mise en scène donnent de la vie au scénario signé Nico Mensinga. Alors, même si ce film pourra laisser perplexe, il mérite la découverte et devrait provoquer des échanges d’idées et impressions. Si Daphné ne pratique pas l’amabilité d’une personne bien intégrée à la société, il me paraît intéressant d’essayer de comprendre pourquoi et d’observer ce qui la fait évoluer (sans pour autant changer complètement).

Electron
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le 15 févr. 2023

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