Darby O'Gill et les Farfadets est une production Disney qui est tombée dans l'oubli et qui, pourtant, indirectement, a changé la face du cinéma. Imaginez un producteur en train de la visionner, de se dire "tiens, cet acteur serait parfait pour jouer le rôle principal dans le film que je suis en train de mettre sur pied !". Quoi ? L'histoire du septième art a connu des milliers de fois ce type de situations, donc ce genre d'anecdotes est d'une banalité à pleurer ? Ouais, sauf que le producteur est un certain Albert R. Broccoli, l'acteur un certain Sean Connery et le film est intitulé James Bond 007 contre Dr No. Avouez que c'est du lourd, du très très lourd.


Mais je suis là pour parler de Darby O'Gill et les Farfadets (et, entre nous, on a bien assez d'occasions d'aborder le sujet de l'espion le plus célèbre au monde !). C'est une adaptation d'histoires folkloriques irlandaises, écrites par Herminie Templeton Kavanagh (connais pas, mais enchanté de faire sa connaissance !). Récits qui ont marqué l'enfance de Walt (je me permets de l'appeler Walt, car il ne voulait pas qu'on l'appelle autrement !). Lui dont la famille avait des origines... irlandaises. Sorti en 1959, ce long-métrage était déjà en préparation dans les années 1940. Le big boss avait envoyé une de ses équipes en Irlande, pour pouvoir être au plus près des cadres naturels du pays, avant de faire le déplacement lui-même. La longueur de cette gestation n'a absolument rien d'inhabituel dans l'histoire du studio (par exemple, le projet d'adapter le conte d'Andersen, La Reine des neiges, qui s'est concrétisé en 2013, avait commencé à être évoqué dans les années 1930 !), mais ce projet avait été porté par le cœur de Walt. L'indifférence du public, lors de la sortie en salles, a été une grande déception pour lui. Et pas seulement sur un plan financier. Il a mis cet échec sur le compte d'un mauvais choix de comédien pour le rôle du héros, lui qui souhaitait plutôt Barry Fitzgerald pour l'endosser (celui-ci avait refusé du fait qu'il avait pris sa retraite !). Je ne pense pas que sur le plan commercial, ça aurait changé grand-chose, mais sur le plan artistique, oui (je vais revenir un peu plus en détails sur ce point !).


Que dire qualitativement de l'ensemble ?


Assurée par un yes-man solide du studio des dernières années de Walt et des premières sans lui, Robert Stevenson, la mise en scène en fout plein les yeux. Sur le plan de la colorimétrie, sur celui des décors, avec de beaux extérieurs (recréés soigneusement en studio et dans un ranch de la firme !) et un bel usage de la matte-painting, on est réellement plongé dans une Irlande folklorique telle que l'inconscient collectif se l'incarne. En outre, les trucages sont impressionnants de vérité, n'ayant pas pris une seule ride. Je fais mention évidemment à la manière, totalement invisible, même pour l'œil le plus inquisiteur, dont la réalisation arrive à faire croire, dans des mêmes plans, que tel acteur joue un farfadet face à tel autre jouant un être humain de taille normale. Bref, en ce qui concerne la mise en scène, c'est de l'excellent travail. Dommage que le reste ne soit pas à la hauteur.


Pour moi, il y a deux gros soucis ici : le choix de l'acteur principal et l'écriture.


Albert Sharpe est l'acteur principal du film. Ce n'est pas qu'il manque de talent, mais il n'a pas le moindre charisme. Il est transparent, il n'a pas de prestance et c'est difficile de s'intéresser à un personnage qui a les traits de quelqu'un n'en imposant pas. Barry Fitzgerald, qui lui faisait péter le compteur de charisme, qui arrivait à tenir la dragée haute face à de très grosses pointures comme John Wayne ou Cary Grant, qui, même, avait les épaules pour être la tête d'affiche d'un film (le très bon La Cité sans voiles, que je vous recommande !), aurait été parfait.


Pour l'écriture, le tout se concentre beaucoup (pour ne pas dire quasiment que) sur l'affrontement entre un vieux garde-chasse (donc le protagoniste !), plus porté sur la bibine et la flemmardise que sur son boulot, et le roi des Lutins, le premier voulant voler l'or et profiter des pouvoirs magiques du second. Affrontement teinté de bonnes vieilles vacheries sournoises des deux côtés, mais aussi, paradoxalement, d'une amitié forte et sincère. Il est incontestable que cet élément de l'intrigue est le plus important de tous. C'est même sa base. Malheureusement, deux aspects secondaires (il n'empêche essentiels !) qui auraient pu injecter du corps à l'histoire principale, sont négligés parce que traités trop superficiellement, sur peu de temps et de séquences. Il s'agit de la romance entre la jeune fille du personnage principal et le futur remplaçant du père (interprétés, en plus, par un couple qui dégage - lui - du charisme, la pétillante ainsi que jolie Janet Munro et le pas-encore-très-connu-mais-cela-ne-saurait-vraiment-pas-tarder Sean Connery !) et des relations fortes entre le père et la fille.


Ce qui fait que si l'amitié entre le garde-chasse et le roi des Lutins, étant donné qu'elle a été bien creusée auparavant pour bien préparer le terrain, procure de la profondeur émotionnelle lors de l'épisode de fin horrifique (efficace visuellement... la mise en scène est excellente, je le redis... et Disney avait déjà montré, plusieurs fois avant, qu'il était efficace dans le domaine... !), ce n'est pas le cas, pour la raison contraire, pour ce qui est (sans trop spoiler !) de la plus grande preuve d'amour qu'un père puisse apporter à son enfant.


Ce qui fait que, malgré de grandes qualités évidentes, Darby O'Gill et les Farfadets est une œuvre mineure (qui aurait pu être majeure avec Barry Fitzgerald et un meilleur scénario... hélas… !) dans la hyper-longue liste des films Disney.

Plume231
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le 4 sept. 2023

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Plume231

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