La belle Charlize Theron a une carrière des plus atypiques au sein du cinéma ricain, c'est un fait, tant sa filmo regroupe de manière assez exceptionnel de sublimes drames intimistes, des divertissements familiaux sympathoches voir même de gros blockbusters rutilants et pas toujours bien inspirés. Il n'empêche qu'en ce premier semestre de la riche année ciné 2015, la bientôt quarantenaire - les années lui vont si bien - peut se targuer d'être la vedette de deux des films les plus attendus des cinéphiles, le Mad Max : Fury Road de George Miller en premier lieu, mais aussi le Dark Places de notre frenchy Gilles Paquet-Brenner, dont le dernier film, Elle s'appelait Sarah, remonte - déjà - à près de cinq ans. Projet de longue haleine et jadis porté par la tout aussi talentueuse Amy Adams, le film a véhiculé une impatience toute particulière au sein du cercle des cinéphiles les plus endurcis depuis que son auteure, Gillian Flynn, est devenue la scénariste/romancière à suivre suite au succès monstrueux (et mérité) de l'inestimable Gone Girl de David Fincher en octobre dernier.


Adaptation de sa seconde œuvre (Gone Girl aka Les Apparences, était son troisième roman) paru en 2009, Dark Places qui s'annonçait comme un thriller des plus anxiogènes et tortueux, suit l'histoire de Libby Day qui, en 1985, a huit ans lorsqu’elle assiste au meurtre de sa mère et de ses sœurs dans la ferme familiale. Son témoignage accablant désigne son frère Ben, alors âgé de seize ans, comme le meurtrier. 30 ans plus tard, un groupe d’enquêteurs amateurs appelé le Kill Club convainc Libby de se replonger dans le souvenir de cette nuit cauchemardesque. Mais de nouvelles vérités vont émerger, remettant en cause son témoignage clé dans la condamnation de son frère... Autant le dire tout de suite, même si la mise en scène de Gilles Paquet-Brenner (Gomez et Tavarès quoi) n'atteint jamais la splendeur de celle du papa - entre autres -, de Se7en, Dark Places est décemment fait du même bois que Gone Girl, la patte experte et exceptionnelle de Gillian Flynn magnifiant ce thriller efficacement anxiogène, tout aussi tortueux et maitrisé que son ainé cinématographique.


Intense, tendu et haletant, le film dresse un portrait dramatique de la vie rurale ou règne la désespérance, la pauvreté et la violence (souvent conjugal), une vision sombre de l'Amérique profonde qui rejoint celle tout aussi emplit de noirceur de l'Amérique bourgeoise de Gone Girl, hypocrite, narcissique, basée sur le culte de la réussite et du bonheur tout aussi formaté. Une société occidentale " idéale " ou tout le monde ment, ou tout le monde porte un masque et se doit de préserver les apparences, à tel point qu'on se croirait presque dans Desperate Housewives en plein Missouri pour le coup. Deux faces d'une même nation que Flynn déconstruit avec une assurance et une rage sans borne.


Riche et captivant, le thriller s'amuse à brouiller les pistes à coup de multiples voies et personnages en confrontant un passé plein de mystères (flashback de Libby) et le présent avec une enquête pleine de suspens dans un soucis de crédibilité minutieux et remarquable, le film ne se perd finalement que dans un dernier acte un peu trop longuet, qui n’entache pourtant en rien la qualité indéniable du métrage. Si la réalisation s'avère globalement maitrisé et efficace - à défaut de réellement convaincre -, en revanche, la belle brochette de talents impliqués ajoute une belle plus-value à l'histoire.
Un luxueux casting dominé par la partition impliquée et complexe de Charlize Theron, impeccable en jeune femme marquée à jamais par une tragédie familiale. A ses côtés, si Nicholas Hoult fait le job sans vraiment marquer, on retiendra surtout la prestation inspirée de la sculpturale Christina Hendricks, mais également du charismatique Corey Stoll et du définitivement génial et plaisant à suivre Tye Sheridan. Inquiétant - voir même assez flippant -, tenant habilement en haleine son spectateur même si il souffre décemment de la comparaison avec Gone Girl dont il partage la même ambiance et bon nombre de thèmes, Dark Places est un efficace et prenant thriller dramatique, une plongée sombre et tortueuse au sein d'un portrait cafardeux et désabusé de la vie rurale.


Certainement pas le polar tendu de l'année, mais clairement l'un de ses plus réussis.


Jonathan Chevrier

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le 2 avr. 2015

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