La vie grouille dans les eaux troubles. Thriller et angoisse pour le remake américain d’un succès asiatique du genre, Dark Water est un film de commande, réalisé par Walter Salles, cinéaste brésilien, plus habitué au grand air et aux grands espaces qu’aux appartements de New York. Dahlia, en instance de divorce, emménage avec sa fille dans un vieux logement, sombre et humide, au cœur d’un immeuble lugubre. Le changement se vit mal.
Le scenario joue l’enfermement psychologique : entre les cauchemars et l’isolement, la jeune mère ne trouve que le repli sur soi pour affronter les fantômes qui la hantent. Ils sont nombreux. Ceux de son appartement d’abord, cachés dans les eaux troubles de l’immeuble et suintant du plafond. Ceux de son enfance ensuite, plus profonds, plus intimes, auxquels il est plus difficile de faire face. Jennifer Connelly, à la merci constante d’un danger qu’elle ne peut identifier, est dans le ton. Juste à chaque instant. Pete Postlethwaite, John C Reilly et Tim Roth, repères solides et tangibles dans son univers clos, sont également excellents. Ce casting inédit, un peu improbable et particulièrement savoureux, est le principal atout du film.
Mais le rythme est lent. La mise en place bien trop longue. Il ne se passe rien d’autre que le quotidien chamboulé de parents qui divorcent et cherchent à se réadapter. Walter Salles donne le ton dans la photographie, terne, et dans l’ambiance pluvieuse et morose, tandis que se dessine le caractère instable et angoissé de la jeune mère célibataire. Un climat lourd de menaces invisibles impose parfois l’attention, de courts instants. L’intrigue se distille, lentement, scène après scène. Sans grande surprise. De rares séquences font soudain monter la tension, judicieusement. Trop rarement. Le drame familial n’en finit pas de s’étendre, de se distendre et de se distordre tout au long du film, presque deux heures.
Dans une lourdeur insistante, l’histoire tourne un moment encore avant de se terminer enfin.
Walter Salles maitrise visiblement l’ambiance sans avoir la main sur le script. On est loin de son cinéma de voyage et de plein air, où les respirations sont denses, où le soleil au cœur du ciel bleu pèse, oppressant, et où le fourmillement des rues est un confort. Tout l’inverse ici. Et le problème du film ne réside pas là, dans l’ambiance, mais bien dans la légèreté du scenario. Où les personnages agissent peu et n’évoluent pas, mais subissent. Et malgré l’ambiance, malgré le casting, le film ne prend pas. Le résultat final ressemble à la discussion initiale : un film de commande n’est pas une aventure. Dark Water est un verre d’eau insipide : un liquide boueux, lourd, qui prend le temps de s’écouler. Lentement et sans saveur.
Matthieu Marsan-Bacheré