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Affaire du XXe siècle. Film du XXe siècle (…et ce n’est pas forcément plus mal)

Il y a eu « Les hommes du président ».
Il y a eu « Révélations ».
Et puis, plus récemment encore, il y a eu « Spotlight » ou bien même « Pentagon Papers ».


Bien qu’il soit difficile de nommer ce genre de films, il relève de l’évidence qu’ils définissent tous ensemble une certaine tradition dans la manière qu’a le cinéma américain de porter un scandale judiciaire à l’écran ; une tradition qui a su installer un certain nombre de codes aujourd’hui solidement ancrés dans notre inconscient collectif.
Une tradition dans laquelle ce « Dark Waters » entend manifestement s’inscrire.


Et c’est vrai qu’il faut bien reconnaître à Todd Haynes qu’il ne disposait que d’une très fine marge de manœuvre en s’engouffrant dans ce genre, tant il est difficile de s’éloigner d’une formule qu’on sait pleinement rodée et efficace.
Du coup Haynes n’a même pas cherché à prendre le risque de faire dans l’original.
Il a préféré jouer la carte du classicisme dès le départ.
Et franchement, difficile de lui donner tort.


Car oui, à défaut d’être original, « Dark Waters » a pour lui le fait d’être propre et efficace.
Nul n’est dupe sur le fait qu’une bonne partie de l’intérêt de ce genre de film provient de la véracité des faits relatés. En conséquence cela réduit souvent l’essentiel du travail du réalisateur à reconstituer fidèlement les personnes et les lieux, à donner l’illusion du réel, et surtout à savoir se montrer pédagogue face à des affaires parfois complexes.
Un travail plus technique que créatif, diront certains.
Un simple documentaire fictionalisé diront d’autres.


Pourtant, moi je trouve qu’il y a un vrai mérite à savoir s’illustrer non pas au travers de sa créativité mais plutôt au travers de sa justesse.
Et c’est justement ce que parvient à faire selon moi Todd Haynes avec ce « Dark Waters ».
Pas d’esbroufe. Pas de superflu. Juste la volonté de produire un tout cohérent au service du sujet.


Et sur ce plan, le travail de Haynes est loin d’être anodin.
Car pour retracer une histoire qui s’ancre au départ dans les dernières décennies du XXe siècle, Haynes décide d’adopter les codes formels de l’époque pour ce genre de film.
Style très académique à base de caméras vissées la plupart du temps sur des trépieds ou des grues.
Recherche permanente du cadre équilibré, de la géométrie des lieux.
Jeu d’acteurs sobre. Musiques absentes des grands moments d’émotion et de tension.
Et même s’il y a là-dedans un côté très froid et académique, cela ne pose aucun problème car c’est justement à ce genre de réalisation qu’on s’attend à être confronté quand on se décide à aller voir ce genre de film.
Un très bon point donc.


Et puis au-delà de ça, Haynes parvient malgré tout à tirer son épingle du jeu par quelques petites touches discrètes mais fort habiles.
On peut notamment saluer cette photographie terne et poisseuse qui transpire presque à elle seule le poison (…pour reprendre les mots d’un ami cinéphile).
On peut aussi remarquer une écriture particulièrement judicieuse, sachant d’abord questionner les individus, puis les firmes, puis tout le système entier. Une démonstration qui coulisse d’ailleurs toute seule et qui participe grandement à cette sensation d’affaire universelle, capable de traverser les frontières et les époques tant celle-ci condamne une logique plutôt que le simple scandale d’un temps.


Alors certes, « Dark Waters » n’a pas forcément de quoi décrocher la mâchoire d’un cinéphile, mais ce film saura néanmoins le contenter raisonnablement, notamment en dialoguant avec la part de citoyen qui sommeille en lui.
Au final, il apparait assez évident que ce film remplit ces objectifs avec maîtrise et noblesse.
Mieux que cela : il le fait même sans fioriture ni abus moralisateur.
Un bel exercice d’épure en somme.
En d’autres mots : un travail fort louable de cinéaste.

lhomme-grenouille
6

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Créée

le 28 févr. 2020

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