De battre mon cœur s'est arrêté par Gérard Rocher La Fête de l'Art

Depuis le décès de sa mère pianiste de talent, Tom, vingt huit ans, vit sous l'influence de son père Robert qui l'entraîne sur une très mauvaise voie. Robert est en effet un agent immobilier malhonnête et sans scrupule. Ainsi, sous les ordres de son père, Tom n'hésite pas à expulser par surprise et avec violence les immigrés qui tentent de trouver un peu de chaleur en squattant des appartements insalubres. Sa mère lui ayant communiqué sa passion pour la musique, Tom rencontre son ancien professeur. Celui-ci n'a pas trop de mal à convaincre le jeune homme de se remettre au clavier afin d'atteindre son rêve secret: devenir un pianiste virtuose. Tom se lance à fond dans l'aventure sous l'oeil et l'oreille avisés de la pianiste Miao-Lin. Il prépare une audition tout en continuant son "métier" et en s'occupant de son père de plus en plus mêlé à de sales d'affaires et de plus en plus menacé par d'autres malfrats. Deux possibilités s'offrent au jeune homme: rester au côté de son Père ou se raccrocher au souvenir de sa mère en quittant les magouilles et la violence pour embrasser une carrière artistique ...


Sa mère disparue, Tom n'a plus de repaires dans le déroulement de sa vie. Son père est un goujat, un homme sans vergogne, raciste et adepte des méthodes brutales afin de déloger les immigrés par la violence dans le but de récupérer des lieux qu'il revend parfois de façon très discutable à des gens aussi malhonnêtes que lui. D'autres "vautours" imprégnés par les mêmes démons aspirent Tom qui est ainsi appelé à commettre lui aussi des forfaits condamnables. Pour lui il s'agit avant tout de gagner sa vie et de s'occuper de l'existence dissolue d'un père entouré sans cesse de jeunes nanas "occasionnelles" dont il "s'occupe" parfois avec plus ou moins de bonheur. Et puis Tom revient à sa première passion, le piano, après avoir rencontré cet ancien professeur. C'est l'échappatoire pour ce jeune homme, le retour vers une certaine tendresse et une reconnaissance envers une mère trop tôt disparue. C'est aussi la rencontre avec Miao-Lin, une jeune pianiste virtuose qui va tenter de le lancer dans ce bain exaltant de la musique en le préparant pour une audition importante . Il met toute son âme et toute sa force afin d'atteindre la perfection. Pourtant, il est bien difficile de s'échapper d'un milieu véreux. Les intrigues le rattrapent. Les relances, les pressions se multiplient Et puis il faut bien s'occuper de ce père au comportement parfois infantile et de plus en plus menacé par ceux qu'il tente de berner. Il faudra un évènement terrible pour que ce fils qui n 'a pas eu la force de rompre avec la cause de ses déboires retrouve enfin sa liberté et puisse pleinement se consacrer au piano. Deux ans plus tard, Miao-Lin est toujours auprès de Tom. Celui-ci est enfin heureux et partage le stress des concerts que donne la jeune virtuose. Toutefois, le passé reste le passé. Des visages ou des voix restent gravées dans la mémoire surtout lorsque leurs souvenirs font remonter en vous un sentiment de dégoût et de vengeance. De plus une sorte d'affection mêlée de pitié envers ce mauvais père le taraude encore et encore. Malgré la douleur occasionnée, il risque de lui être difficile de ne pas retomber dans des travers que l'on croyait disparus à jamais.


Voici le remake du film de James Toback "Mélodie pour un tueur"produit en 1978. Jacques Audiard se mit à la tâche en imposant un style radicalement différent qui lui valut une kyrielle de récompenses tant il souleva l'enthousiasme des critiques spécialisées et d'une partie du public. Sur ce point, je ne partage pas tout à fait ce flot d'éloges même si le sujet est bien sûr des plus passionnants. L'analyse des personnages pourrait être des plus passionnantes, mais encore faudrait-il que celle-ci soit traitée avec beaucoup plus de sensibilité. A mon avis, le gros défaut de cette oeuvre vient du fait que le réalisateur nous offre un exercice de style très sophistiqué de manière à intellectualiser sa production au maximum. C'est ainsi que la première partie du film sensée présenter les personnages et lancer l'intrigue est traitée d'une façon froide, souvent trop rapide à partir de scènes qui s'entremêlent. Tout cela rappelle un certain cinéma "nouvelle vague" pour lequel il était très tendance d'encenser l'abstrait, voire l'incompréhensible. Bien sûr ici, nous n'en sommes pas tout à fait à ce point car la seconde partie du film se débride un peu mais trop tard. Les sentiments et l'émotion n'opèrent plus. Les personnages de Tom et de Robert sont devenus conventionnels et manquent de saveur. Malgré tout je ne remets pas en question la magnifique performance de Romain Duris dans son rôle de fils en plein désarroi, vivant dans un monde sordide provoqué par un père qui l' "absorbe".Tom découvre la lumière par ses retrouvailles avec son cher piano, et là Romain Duris nous offre les seuls moments d'émotion de ce film. Niels Arestrup dans son rôle de père indigne fut récompensé et bien que l'acteur ne démérite pas, je reste un peu perplexe sur ce choix. Par contre, le César accordé à Linh-Dan Pham pour sa prestation dans le personnage de la très sensible et virtuose Miao Lin, se justifie amplement tant elle joue ce rôle avec finesse et sobriété. Je veux saluer aussi la musique composée par Alexandre Desplat.


Il est sûr que je ne partage pas l'enthousiasme d'une bonne partie des cinéphiles pour ce remake. Toutefois si la réalisation de Jacques Audiard est loin de me convaincre, je vous conseille tout de même de voir ce film en entier, même si la première partie vous rebute, rien que pour apprécier l'interprétation. Dommage pour le sujet qui aurait mérité une analyse plus sobre. Malheureusement, c'est l'exercice de style qui remporte le match!


Ce fil obtenu à:

•BAFTA Awards 2006: Lauréat du meilleur film non anglophone.
•Festival de Berlin 2005: Nomination pour l 'Ours d'Or, Lauréat de l'Ours d'Argent de la Meilleure musique pour Alexandre Desplat.
•Césars 2006: 10 nominations et obtention des: •César du meilleur film
•César du meilleur réalisateur pour Jacques Audiard
•César de la Meilleure musique pour Alexandre Desplat
•Rôle César du meilleur acteur Dans un deuxième pour Niels Arestrup
•César du meilleur espoir féminin pour Linh-Dan Pham
•César de la Meilleure adaptation pour Jacques Audiard et Tonino Benacquista
•César du meilleur montage pour Juliette Welfling
•César de la Meilleure photographie pour Stéphane Fontaine


•Prix du Cinéma Européen 2005: Nominations pour le meilleur acteur (Romain Duris) Et pour le Prix du Public du Meilleur réalisateur (Jacques Audiard).
•Syndicat français des critiques de cinéma: Lauréat du Prix 2006 du meilleur film.
•Prix des auditeurs 2005 du Masque et la Plume pour le meilleur film français.
•Étoile d'or du film 2006
•Prix Jacques Deray du film policier français 2006

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le 13 avr. 2013

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