De Battre Mon Cœur s'est arrêté est l'un de mes films préférés de Jacques Audiard. C'est aussi l'un de ses films les plus célèbres, qui lui valu 8 césars, dont ceux les plus prestigieux du meilleur film, du meilleur réalisateur, de la meilleure musique, du meilleur acteur dans un second rôle pour Niels Arestrup et du meilleur espoir féminin pour Linh-Dan Pham ... pour n'en citer que quelques uns. De Battre Mon Cœur s'est arrêté c'est aussi le remake de Mélodie pour un tueur (aka Fingers) de James Toback (1978) avec Harvey Keitel (dans le rôle de Tom).
Tom 28 ans (Romain Duris) est un marchant de biens véreux qui suit les traces de son père incarné par Niels Arestrup, lui même marchand d'immobilier. Le quotidien de Tom se résume à poser des rats dans les cages d'escaliers pour faire fuir les locataires qui ne paient pas. C'est aussi casser les murs des immeubles pour empêcher les squatteurs de s'y installer. C'est des soirées bien arrosées et en "bonne compagnie" pour essayer d'oublier les déboires de la journée. De battre mon cœur s'est arrêté c'est donc un univers sombre et impitoyables, où règne la loi du plus fort.
Mais voilà, Une rencontre fortuite avec son ancien professeur de piano le pousse à croire qu'il est encore temps pour lui de devenir autre chose et plus précisément le pianiste concertiste qu'il rêvait d'être, à l'image de sa défunte mère. Sans cesser ses activités, il prépare une audition en prenant des cours auprès d'une jeune étudiante chinoise incarnée par Linh-Dan Pham.
De battre mon cœur s'est arrêté, c'est l'histoire du père qui essaie de prendre le pouvoir sur le fils et du fils qui essaie de prendre le pouvoir sur le père. C'est montré dans la mise en scène de Jacques Audiard avec une caméra très proche des acteurs et toujours en mouvement, d'où un sentiment de malaise et de danger permanent. Chaque retrouvaille entre le père et le fils est agréable au début, on est proche d'eux et on ressent une connivence entre le père et le fils. Et puis au fur et à mesure de leur échanges, des tensions apparaissent à chaque fois et l'un des deux essaie de prendre l'ascendant sur l'autre. Ces scènes qui rassemblent le père et le fils se répètent tout le long du film et suivent à chaque fois le même schéma. Ce sont les meilleures scènes du film avec un Niels Arestrup absolument magistrale dans le rôle du père dur et malgré tout aimant.
De battre mon cœur s'est arrêté, c'est aussi la rencontre entre Tom et l'étudiante chinoise. Leur relation est tendre et très subtil ... mais je n'en dirai pas plus, pour ne pas trop en dévoiler sur la suite du film. Mais toujours est-il que c'est elle qui lui permet de s'émanciper et de tracer son propre chemin, passer à l'âge adulte et se libérer du carcan de son père.
Romain Duris insuffle énormément d’énergie dans son rôle, sa performance est ici très intense. Je n’ai jamais vu Romain Duris aussi impliqué dans son rôle, qui plus est un rôle complexe, Tom étant perpétuellement nerveux, tendu, en colère, mais incroyablement charmant. Un jour, il porte une veste en cuir, essuyant le sang de son visage après un rixe avec des squatteurs. Le lendemain, il est en costume-cravate et négocie avec des agents immobilier. L’atmosphère du film est sombre, morose et pessimiste, mais l’énergie vibrante et l’agressivité de Tom retiennent fermement l’attention du spectateur.
La mise en scène de Jacques Audiard est remarque. Chaque plan est minutieusement étudié, y'a rien à rajouter et surtout y'a rien à retirer. Il sait exactement ce qu’il veut montrer à l’écran, d'un œil vif, avec une caméra au plus prés des acteurs, pour donner aux performances déjà de premier ordre, un impact maximal. Ce qui est si rafraîchissant, c’est aussi que Jacques Audiard ne fait pas grand cas des relations humaines ... aucune complaisance dans son regard sur le sujet.
Écrit avec précision, élégant, savamment rythmé, dirigé et interprété, c’est très certainement l'un des meilleurs films du cinéma français de ces 20 dernières années.