De Gaule à Europe en passant par France

Critique rédigée en juin 2020


Mon retour dans les salles de cinéma s'imprègne par une sorte de compression du fléau survenu il y a plusieurs mois ; en l'espace de deux heures, j'ai tout à fait eu l'impression d'assister à l'écho de mon ultime séance pré-confinement, celle de "Judy" de de Rupert Goolde, narrant à sa façon les dernières années de Judy Garland. Comme pour la plupart, je ne me doutais pas de la terrible secousse qui allait notamment sévèrement atteindre notre secteur culturel (sorties de films graduellement reportées voire annulées, expositions ajournées, décès brutal de Christophe), et encore moins du mode de vie imposé au cours de cette immense parenthèse temporelle. Éprouvante et impromptue, celle-ci m'a néanmoins octroyé d'une certaine manière l'occasion de faire le bilan de mes acquis pédagogiques et culturels, notamment ma vision du secteur cinématographique et sur ma manière de concilier vie sociale et vie culturelle. J'ai pour la même occasion admis certaines de mes préférences jusqu'ici restées incertaines, ainsi que mes plus grands désirs à venir pour le sein des salles obscures qui pourraient dorénavant s'effectuer. Pour le plaisir de toutes et tous passionnés.
En félicitant et sollicitant au passage le personnel soignant et les victimes toujours en voie de convalescence, et en remerciant la nature d'avoir épargné et ma famille, et mon entourage tant aimé et contributif dans la construction de ma vision du monde en général.


CQFD: il serait bon ton de jurer d'avance sur des projets aussi opportunistes et académiques que les deux précédemment cités. Si la documentation de l'un est discutable (à défaut d'un résultat tout bonnement intéressant et honnête), l'autre avait tout pour siéger à la place du blockbuster français de l'année, qui aurait pu prendre la relève de J'accuse de Roman Polanski tout en compensant le succès (très) modeste de productions historiques récentes telles que L'Empereur de Paris et surtout le maladroit mais attrayant Un peuple et son roi.


Trois ans après le film résistant Nos patriotes, Gabriel Le Bomin livre en toute bonhomie la période décisive de la politique gaullienne s'étendant sur deux semaines de juin 1940 (quand j'écrivais que la séance avait une valeur symbolique à mes yeux). Le général en devenir (Lambert Wilson) est appelé à se rendre à Londres pendant que son épouse Yvonne (Isabelle Carré) s'occupe de la petite famille marquée par l'insolence sans relâche de Anna, leur enfant atteint de trisomie. Au fil des débats politiques auxquels le grand Charles est convié, mère et enfants se retrouvent au sein de contraignants mouvements migratoires les écartant du domaine familial...


De Gaulle possède une reconstitution historique démesurée renforçant le respect pour la production. C'est un biopic au format très classique, quoique au récit fortement réduit, et proche du docu-fiction mais sans démagogie énervante qui ne se contenterait que de faire l'éloge d'un personnage respecté d'une majorité. Lambert Wilson brille de mille feux à ma grande surprise, ayant lu ça et là que son jeu était surfait, il est largement convaincant dans le rôle du général et a la tête de l'emploi. Ses moments forts sont tout particulièrement agrémentés par les nombreux plans en contre-plongée, par rapport aux personnages des alentours, accentuant sa grandeur physique et sa place imposante dans la pièce, tout à son honneur. C'est justement tout l'inverse par rapport aux autres grandes figures politiques qui trouvent leur place dans le récit, frôlant parfois le ridicule et particulièrement celle de Churchill dont l'accent enlève toute crédibilité au célèbre premier ministre britannique, au point de s'interroger sur les intentions de cinéaste et consorts.


La quelconque bande originale du certain Romain Trouillet, nous conduit au point invalide du film ; c'est terne, aux bornes du soporifique, presque frustrant en songeant au potentiel qui aurait pu être exploré.


L'affiche amorçant effectivement une fresque généreuse en moments forts d'émotions, l'ensemble souffre d'un certain souffle épique qui aurait offert au général le traitement mérité. La famille manque de justesse le bateau ? Les conditions de bord nuisent la santé de certains passagers ? Pas de tension, la bande-son reste tout aussi sobre que lorsque le général et Yvonne se promènent aux portes de la Grande-Bretagne, et généralement les protagonistes en sortent indemnes.


Le film ne laisse non plus place au lyrisme, s'intéressant modérément à la vie intime de De Gaulle et le couple fusionnel formé avec Yvonne ; l'occasion de s'éloigner quelque peu de la figure du politique, mais humanisant maladroitement le personnage.


Sortie encourageante, mi-coquille vide mi-document historique tout bonnement pertinent, De Gaulle souffre dans l'ensemble des nombreuses attentes insatisfaites récurrentes du genre et de la géographie. Le travail a été confié à un novice, là où d'autres cinéastes plus expérimentés et novateurs comme Gans, Beauvois ou feu Chéreau (pour un film plus théâtral qu'historique tiens) auraient pu lui donner un souffle semblable à certaines aventures passées. Une curiosité que les historiens et autres passionnés prendront sans doute plaisir à décortiquer.

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le 18 déc. 2020

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