Madeleine et Antoine ont, selon la formule, un bel avenir devant eux.
Très amoureux, ils sont également idéalistes et préparent le concours de l'ENA pour rien moins que changer le monde. Antoine est issu d'un milieu aisé et Madeleine plutôt modeste. Lors d'un séjour passé en Corse dans la maison familiale d'Antoine, Madeleine (Mad' pour les intimes) fait la connaissance de Gabrielle (Emmanuelle Bercot, formidable) ex secrétaire d'Etat qui a démissionné car le poste ne correspondait pas à ses exigences. Les deux femmes sympathisent et promettent de se revoir lorsque Mad aura obtenu le diplôme. Mais sur une petite route déserte de Corse, Mad' et Antoine font une mauvaise rencontre. Antoine après s'être une nouvelle fois disputé avec son père au téléphone s'impatiente derrière un véhicule qui n'avance pas et sort toute la panoplie du conducteur qui s'agace : appels de phares, coups de klaxon, doigt d'honneur. L'autre conducteur entend bien ne pas laisser passer ce comportement de mal embouché. Très agressif, l'homme est en possession d'une arme et c'est le drame.
Dès lors Madeleine et Antoine vont devoir vivre avec le mensonge puisqu'ils décident de cacher ce qui s'est passé, mais aussi la crainte que leur terrible secret soit un jour révélé. Le dilemme de conscience n'est pas anodin mais l'ambition qui anime les deux jeunes gens ainsi que leur désir sincère de voir enfin éclore une société où les valeurs de la gauche referont surface (...) sont plus fortes que tout. Néanmoins, les deux jeunes gens ne réagissent pas de la même façon. Antoine fuit au bout du monde, ne se présente pas à l'oral du concours tandis que Madeleine (si on excepte la scène incompréhensible de son comportement le jour de l'oral...) continue son chemin, se fait embaucher dans l'équipe de Gabrielle. C'est cette dernière qui tient l'idéal sans compromis d'un combat politique impitoyable. Emmanuelle Bercot est vraiment formidable et incroyablement crédible.
A noter aussi une scène exceptionnelle où une ouvrière, sans doute syndicaliste (mais pas sûr) tient tête sans flancher à un éventuel repreneur très sûr de lui et de son pouvoir. Cette scène est un moment de tension et d'authenticité incroyable. L'actrice inconnue est Aurélie Marpeaux.
Le film est franchement passionnant et de haute tenue. Il parvient à développer plusieurs intrigues sans en perdre une en route : une romance qui prend l'eau, la lutte des classes, le monde du pouvoir, celui de l'entreprise, le transfuge de classe (pour Madeleine), l'ambition, mais aussi une surprenante relation père-fille (on craque alors pour Marc Barbé lorsqu'il rend visite à sa fille, je ne dis pas où) et tout cela bien ancré dans l'époque qui parle d'injustices, d'inégalités, d'âge de la retraite. Puis le film prend un virage vers le thriller également parfaitement maîtrisé. Une réussite.
Les acteurs ? Vous imaginez bien qu'ils sont parfaits et que nous assistons en prime depuis quelque temps à la naissance d'une actrice dont on a pas fini d'entendre parler. Rebecca Marder est une jeune femme de son temps qui va bien. Et l'entendre en interview est un régal tant sa fraîcheur, sa modestie mais aussi son intelligence sont plaisantes à entendre.