Marseille, De guerre lasse


Superbe film noir à la française, le meilleur que j’ai vu depuis des lustres. Auréolé de critiques élogieuses mais boudé par un public (qui s’attendait sûrement à une énième tragédie à la Olivier Marchal, bouffie d’emphase, d’acteurs qui serrent la mâchoire et des répliques qui tuent), le film raconte une très classique histoire de rédemption et de vengeance. Un canevas essoufflé certes, mais sous-tendu par une passionnante réflexion sur l’aliénation familiale, le choc des cultures et le poids du destin qui rôde, insidieux.


Porté par un Jalil Lespert qui se meut comme un lion en cage, grenade dégoupillée prête à exploser, éclairé par le regard torve et le visage tourmenté de Jean Michel Correia, excellent, le film est surtout un écrin de luxe pour Tchéky Karyo qui imprime la pellicule en père déchiré entre ses racines et ses enfants, sa respectabilité acquise et son passé de caïd. Voilà bien longtemps qu’il ne m’avait pas autant ému…


Peu d’action dans ce polar qui s’attarde plus sur les atermoiements et les doutes de ses personnages, mais une tension larvée qui, quand elle éclate, fait mal, vraiment mal (une séquence d’exécution d’une brutalité estomaquante, des fusillades qui cognent sévère).


Ayant parfaitement digéré l’influence de James Gray, le maître des tragédies familiales, plongeant tête baissée dans un Marseille cosmopolite et interlope (à l’aide d’une photo désaturée qui ôte toute image d’Epinal et de pittoresque facile à la ville) et porté par une pléiade d’acteurs investis comme rarement dans leur rôle, Olivier Panchot livre quasiment un coup de maître (n’était un scénario parfois nébuleux, un ou deux seconds rôles négligés).


Coup de maître sanctionné par une réputation calamiteuse (2,5 en moyenne pour les notes des spectateurs d’allociné, 5 sur 10 et des poussières sur Sens Critique).


Un film à découvrir d’urgence selon moi.

Créée

le 12 mars 2017

Critique lue 1.1K fois

1 j'aime

2 commentaires

Critique lue 1.1K fois

1
2

D'autres avis sur De guerre lasse

De guerre lasse
cloneweb
8

Critique de De guerre lasse par cloneweb

Le polar d'action français ne doit ses lettres de noblesses les plus récentes qu'à une poignée de noms : Fred Cavayé, Olivier Marchal et Guillaume Lemans. La plupart des autres frenchies s'essayant...

le 24 avr. 2014

6 j'aime

1

De guerre lasse
Val_Cancun
4

Mon légionnaire

Entre film de gangsters laborieux et drame familial poussif, "De guerre lasse" n'est sauvé du ratage total que par sa mise en scène soignée : photo élégante aux couleurs délavées, offrant un regard...

le 5 juin 2021

4 j'aime

De guerre lasse
Palatina
5

Massilia ne lasse

Il est de coutume d'entendre que le polar français soit mauvais, creux, insipide voire absurde. Cependant, De guerre lasse semble discrètement faire figure d'exception. Derrière ses aspects sombres...

le 5 mars 2015

2 j'aime

Du même critique

Je ne suis pas un salaud
pierreemmanuelhun
9

Bouleversant et abrasif...

Mon coup de coeur cinématographique de ce début d'année. Emmanuel Finkiel ausculte la lente dérive sociale et affective d'un homme qui perd peu à peu ses repères sociaux. Agressé lors d'un soir de...

le 28 févr. 2016

13 j'aime

4

The Lost City of Z
pierreemmanuelhun
9

Quête dérisoire et Vertige de l'échec...

Le plus beau film d’exploration qu’il m’ait été donné de voir, avec Dersu Uzala de Kurosawa et Aux sources du Nil, le grand film mésestimé de Bob Rafelson… La séquence liminaire, une chasse à courre...

le 21 mars 2017

3 j'aime

Kingdom of Heaven
pierreemmanuelhun
9

"Le Royaume de la conscience"

Une somptueuse épopée, narrant la geste d'un forgeron devenu Croisé, d'un Croisé devenu défenseur de Jérusalem, pris dans la tourmente de l'amour et de l'obscurantisme. La version "Director's cut"...

le 6 mars 2017

3 j'aime