Marseille, De guerre lasse
Superbe film noir à la française, le meilleur que j’ai vu depuis des lustres. Auréolé de critiques élogieuses mais boudé par un public (qui s’attendait sûrement à une énième tragédie à la Olivier Marchal, bouffie d’emphase, d’acteurs qui serrent la mâchoire et des répliques qui tuent), le film raconte une très classique histoire de rédemption et de vengeance. Un canevas essoufflé certes, mais sous-tendu par une passionnante réflexion sur l’aliénation familiale, le choc des cultures et le poids du destin qui rôde, insidieux.
Porté par un Jalil Lespert qui se meut comme un lion en cage, grenade dégoupillée prête à exploser, éclairé par le regard torve et le visage tourmenté de Jean Michel Correia, excellent, le film est surtout un écrin de luxe pour Tchéky Karyo qui imprime la pellicule en père déchiré entre ses racines et ses enfants, sa respectabilité acquise et son passé de caïd. Voilà bien longtemps qu’il ne m’avait pas autant ému…
Peu d’action dans ce polar qui s’attarde plus sur les atermoiements et les doutes de ses personnages, mais une tension larvée qui, quand elle éclate, fait mal, vraiment mal (une séquence d’exécution d’une brutalité estomaquante, des fusillades qui cognent sévère).
Ayant parfaitement digéré l’influence de James Gray, le maître des tragédies familiales, plongeant tête baissée dans un Marseille cosmopolite et interlope (à l’aide d’une photo désaturée qui ôte toute image d’Epinal et de pittoresque facile à la ville) et porté par une pléiade d’acteurs investis comme rarement dans leur rôle, Olivier Panchot livre quasiment un coup de maître (n’était un scénario parfois nébuleux, un ou deux seconds rôles négligés).
Coup de maître sanctionné par une réputation calamiteuse (2,5 en moyenne pour les notes des spectateurs d’allociné, 5 sur 10 et des poussières sur Sens Critique).
Un film à découvrir d’urgence selon moi.