Il est de coutume d'entendre que le polar français soit mauvais, creux, insipide voire absurde. Cependant, De guerre lasse semble discrètement faire figure d'exception. Derrière ses aspects sombres et rugueux, le film d'Olivier Panchot a pourtant tout du thriller classique aux apparences assommantes: Marseille a largement inspiré les cinéastes, mais rares sont les films qui ont su saisir sa dimension cosmopolite et brute sans verser dans les clichés. De guerre lasse est de ceux-là.
Alex, interprété par un Jalil Lespert excellent, est le fils d'un caïd pied-noir et ex-soldat de la Légion Étrangère, faisant son retour dans la cité phocéenne. Armand (Tchéky Karyo), son père, s'est retiré des affaires. La mafia locale dirigée à présent par les Corses ne voit pas cette réapparition d'un bon œil, et leur soif de vengeance ruisselle des quartiers nord au Vieux-Port. C'est alors qu'Alex retrouve son premier amour, Katia, jeune avocate joué par la délicieuse Sabrina Ouazani. A peine débarqué, Alex a rapidement une épée de Damoclès sur la tête. Le passé familial, entremêlé d’échauffourées contre les clans rivaux, se dévoile au fil de l'histoire et confère à l'intrigue une concision qui semble cohérente avec la vivacité du propos et la soudaineté de la violence. Toute cette catalyse de brutalité se dessine de façon réaliste, à la fois de par des personnages travaillés et convaincants, et un climat urbain grouillant, traité avec sobriété.
De Guerre Lasse s'illustre comme étant un polar dense et réussi dans lequel la lassitude, évoquée en son titre, germe dans l'esprit de chacun: un vieux chef mafieux qui a tout sacrifié, une femme d'ex-bandit anxieuse et tourmentée, une jeune avocate fourvoyée, un fils aspirant à une vie rangée mais rattrapé par son passé. Bref, un chaos qui rend las un monde où ces personnes n'ont plus nécessairement leur place.