À la fois hypnotisant et difficilement regardable, « De Humani Corporis Fabrica » est un film marquant et inoubliable, de ceux dont les images resteront longtemps gravés en moi. Accrochez vos cœurs et préparez-vous à plonger dans les tréfonds du corps humain !
Le film est en grande majorité composé de plans d’opération médicale. Du cerveau aux intestins, en passant par les yeux ou la colonne vertébrale, toutes les parties du corps y passent. Le tout capturé avec des caméras classiques mais surtout des micro-caméras. Ces dernières explorent nos cavités internes et emmènent parfois le film vers l’expérimental tant ce que l’on voit nous paraît abstrait. On se prendrait presque pour un spéléologue à la découverte des tunnels et des vallées enfouies en nous. « De Humani Corporis Fabrica » est aussi une ode au geste médical, tant la précision des différents chirurgiens est mis au centre de l’image, pour montrer à quel point la médecine moderne est miraculeuse et incroyablement complexe. Les réalisateurs ont eu la bonne idée de peu couper les interventions pour appuyer cette impression. Ce qui m’a également frappé, c’est l’utilisation du son pendant ces opérations qui leur donne une dimension supplémentaire. En effet, on entend absolument tout ce qui se dit, sans filtre, entre les personnes présentes dans le bloc opératoire. Tantôt des discussions drôles de part leur décalage, sur le prix des loyers dans un quartier, tantôt sur ce qui est en train de se passer devant nos et leurs yeux… Mais la séquence la plus marquante de ce point de vue est celle où une opération se passe mal et où chacun tente de garder son calme et de mener à bien la chirurgie malgré toutes les embûches et les incompréhensions.
2 séquences m’ont également beaucoup marqués et sont extrêmement liés puisqu’elles délimitent métaphoriquement notre existence et notre présence sur Terre. La première étant un accouchement par césarienne absolument bouleversant où, après que les sages-femmes aient ouvert le ventre de la mère et extrait le nouveau-né, la caméra suit le bébé quand il lui est présenté, puis quand il est emmené dans une salle à part pour le nettoyer et l’aider à accueillir la vie qui lui est donné. La seconde, par opposition, est une scène assez surréaliste dans une morgue, où 2 femmes rhabillent un mort sur fond de radio musicale mainstream.
Pour résumer, ce documentaire est pour moi d’une puissance rare et questionne sur la maladie et la mort, mais surtout sur notre humanité en nous ramenant à ce que nous sommes biologiquement, à savoir un amas de chair et d’os dans laquelle la mécanique peut s’enrayer, mais aussi se réparer pour qui sait manipuler des pinces et des bistouris de quelques millimètres de long. On sort du film en ayant le sentiment d’avoir vécu une expérience de cinéma absolument à part, chose rare et particulièrement satisfaisante.