Voir le film

Je ne vais pas m'amuser à rappeler les raisons qui ont fait que l'on n'a pas pu voir ce film, pouvant être qualifié de testamentaire, d'Orson Welles pendant près d'un demi-siècle. Je dirais juste ceci : "Merci Netflix".


J.J. Hannaford, réalisateur de cinéma américain, est mort au volant d'une voiture de sport. Accident ou suicide ? Mystère. Quelques heures plus tôt, lors de ce jour fatidique, le vieil artiste a invité dans sa propriété, pour fêter ses 70 ans et projeter quelques scènes de son film en cours de tournage, tout le gratin hollywoodien. Des vieux de la vieille qui n'ont pas manqué de commettre les 400 coups pendant l’Âge d'or hollywoodien, des larbins lèches-culs professionnels, des fidèles, des amis, des jeunes étudiants en cinéma énamourés devant le Maître, une critique de cinéma limite hystérique, etc...


Il y a beaucoup d'Orson Welles dans ce portrait de vieux cinéaste autodestructeur et cynique. Mais on a aussi du John Ford, du Ernest Hemingway, et certainement une bonne couche de John Huston. Pour ce dernier, ce ne serait pas improbable, puisque c'est lui qui incarne cette figure légendaire au bout du rouleau. Et il faut bien dire qu'il n'y a rien de mieux qu'un géant du cinéma pour donner sa peau à un autre géant du cinéma. Pour le côté Orson Welles, on a même le jeune cinéaste admiratif qui le suit comme un chien fidèle, mais avec une pointe de sarcasme pour palier le fait qu'il ait moins de talent que son maître et ami, façon Peter Bogdanovich avec le réalisateur de Citizen Kane, et qui est joué par... Peter Bogdanovich... si ça, ce n'est pas partiellement autobiographique...


On croise autrement du beau linge. Lilli Palmer, Mercedes McCambridge, Susan Strasberg, Paul Stewart, dans leur propre rôle Dennis Hopper ou encore Claude Chabrol.


On a deux films en un.


Le film dans le film. Tourné au petit bonheur la chance, sans script, une suite de scènes sans véritable cohérence narrative, sans véritable histoire même, avec le jeune acteur principal qui s'est barré, sans donner de nouvelles après, du plateau. On sent l'érotisme de vieux papy vicelard. On a souvent l'occasion de mater la plastique loin d'être désagréable à regarder d'Oja Kodar, qui croule autant sous le tissu que sous le nombre de répliques à dire (serais-je hypocrite si je venais à me plaindre de cela, du moins en ce qui concerne la quantité de tissu ? Réponse claire : ouais !). On ne peut pas dire, enfin sauf pour notre côté vieux mateur, que l'ensemble soit passionnant à regarder, mais on ne manquera pas tout de même d'admirer comment pour certaines scènes l'éclairage de rue dans la nuit est utilisée avec un mix de pluie ; il faut reconnaître que les images que ce mélange donne sont superbes.


Le film tout court. Il est très difficile de trouver ici un plan qui dure plus de trois secondes. C'est une orgie visuelle, qui est assez lassante il faut le reconnaître, même si on a quelques grands moments de maîtrise qui fascinent. Noir et blanc, couleurs, l'un l'autre sans crier gare, montage hyper-charcuté, on est sur un personnage le temps d'une réplique ou deux, on passe à un autre, et ensuite à un autre, et ainsi de suite. C'est usant, c'est chaotique, c'est quelquefois virtuose, on n'est pas sûr d'avoir tout saisi ; mais malgré tout, il n'est pas difficile à comprendre que la charge contre Hollywood et son microcosme est féroce ; quoi qu'il en soit on ne reste pas indifférent. C'est un monde des excès qui est montré, c'est par l'excès que Welles montre tout cela.


The Other Side Of The Wind... qu'est-ce que cela peut nous apporter de plus ? Un autoportrait testamentaire d'une des plus grandes légendes du cinéma, avec ses qualités, avec ses défauts, qu'on est heureux de voir qu'il ait enfin apparu à la lumière du jour.

Plume231
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le 23 janv. 2019

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