Porteur du label de la Semaine de la Critique 2020, un premier long-métrage post-Fémis d’une jeune réalisatrice à suivre de très près, bonbon tutti-frutti et sorte de Sans Toit ni Loi (Agnès Varda, 1985) contemporain et solaire.
Saisonnière chez un glacier landais, Esther (Tallulah Cassaveti, dont c’est le tout premier rôle) a 17 ans, l’âge des explorations et des premières conquêtes. Seule au milieu d’autres jeunes, délaissée par sa mère qui ne répond plus à ses appels, elle boit l’amour et la vie à grosses gorgées et avec soif, partout où elle le peut, librement. L’expression nouvelle de sa sexualité se partage entre les premières fois – fantasmatiques – avec le beau Jean dont elle s’éprend et un viol traumatique, brisure originelle.
Sur ces bases chancelantes, son corps en éveil comme seul navire, Esther décide d’aller rejoindre Jean à Paris par ses propres moyens. Mais ce qui s’apparentait à l’odyssée d’une conquête amoureuse se transforme bientôt en un récit d’apprentissage, un coming of age movie à hauteur d’ado en forme de pèlerinage sans dieu ni maître (ni homme pour les remplacer). Une quête du devenir femme contemporain qui aborde autant les questions de consentement, de liberté et d’indépendance féminine qu’elle embrasse sans concession le mouvement turbulent, sans ancrage et désintéressé d’une ado transcendée par la vitalité comme seul idéal. Une retraite du monde afin de prendre l’élan nécessaire pour s’y jeter.
Avec un scénario romanesque co-écrit par la réalisatrice et Marie-Stéphane Imbert, De l'Or pour les Chiens est une œuvre à la fougue dolanesque, formellement foisonnante, pétillante et généreuse dont l’allant stimulant s’accorde à celui de son héroïne à la robe imprimée de bonbons et au visage faussement candide, dans un jeu tout en relâchement et don de soi, délicatement sauvage et nonchalant comme celui d’un chat.
Le film navigue avec une souplesse rare – rappelons qu’il s’agit d’un premier long – entre un récit linéaire balisé et tripartite (le cadre estival des Landes, les errances dans la ville de Paris et la retraite au couvent) et des déviations et sorties de routes (d)étonnantes, notamment dans deux sublimes scènes de danse solitaire dans un café fermé et de confrontation avec un SDF en mal de mer. Un cinéma sincèrement poétique, fait d’élans pop et joyeusement désinvolte qui encapsule brillamment tout ce qui fonde la fougue enthousiaste de l'adulescence.