Hong Sang-Soo tresse deux histoires entre elles sans les faire se rejoindre, sinon par une série de signes : la pâte de piment, la guitare, les demandes de gens plus jeunes qui veulent devenir comédiens, etc... , se faisant écho comme les fantômes d'un troisième film qu'on ne verra pas, où les deux personnages principaux, l'actrice et le poète, se sont peut-être rencontrés. Peut-être : le film distribue les indices, mais n'affirme rien. Il pourrait aussi bien s'agir de correspondances étranges, de télépathie sans le moindre passé commun.
On voit deux histoires, et on s'en raconte une troisième. Pour ma part, j'ai vu deux personnages au plus fort de leur crise (elle ne veut plus jouer, il doit arrêter de boire) se rencontrer un soir, par hasard, et se sauver la vie, comme par enchantement. Et puis se séparer après avoir pris des décisions importantes (pour lui, arrêter vraiment de boire et de fumer ; pour elle, quitter Séoul quelques temps).
Malheureusement, je trouve que Hong Sang-Soo ne rend pas très bien compte de cette "vie nouvelle" à laquelle ses personnages aspirent. Il me semble qu'il ridiculise un peu tout le monde : la femme qui a cent cinquante chaussures et qui se roule par terre quand elle perd son chat, la nièce qui n'arrive pas à savoir ce qu'elle veut vraiment, le jeune comédien qui pose des questions idiotes, la jeune cinéaste qui tremble d'admiration pour le vieux poète. Les personnages secondaires sont ternes. Et les deux principaux ne valent pas beaucoup mieux, énonçant des vérités générales avec une certaine suffisance, à l'attention de leurs admirateurs.
En fait, j'ai l'impression que le film fantôme (celui de la rencontre entre l'actrice et le poète) neutralise et absorbe les deux autres, comme si deux pages d'un livre étaient entraînées dans le pli entre elles. Le présent du film semble dévitalisé, immatériel. Par moments, il y a un charme, notamment quand ce défaut d'intensité donne la mesure de l'état de convalescence des personnages (la fin, quand le poète laisse partir ses deux admirateurs et se retrouve plus seul que jamais, de nouveau confronté à son goût pour l'alcool, est assez poignante), mais il n'y a pas de mystère : tout est un peu mécanique, figé, sans surgissement.