C'est une constante à Cannes. Tous les ans, le festival est condamné à présenter son pseudo super chef-d'œuvre. Le genre de films dont les affiches nous mitraillent depuis des mois, encensés presque même avant d'être vus. Cette année, mesdames et messieurs, faites place au très attendu « de rouille et d'os ».

Audiard avait placé la barre très haut avec son Prophète, un film qui a eu le mérite de réunir l'essentiel des composantes de ce qu'on peut appeler une « grande » œuvre : un univers réaliste et ultra bien développé, une révélation artistique en la personne de Tahar Rahim. Fort de ce succès, Jacques fait son come-back en adaptant le recueil de nouvelles « Un goût de rouille et d'os ».

Sur le papier, le scénario a du mal à contenir les rires : une dresseuse d'orques handicapée tisse un lien amoureux avec un nordiste beau gosse et un peu racaille sur les bords. Après une introduction assez brillante, on se rend vite compte que la faiblesse du film ne résidera pas dans ce scénario discutable mais bien dans l'effort constant qu'éprouve Audiard à pondre quelque chose qui ira justement au-delà de cette histoire. Celui-ci joue donc la carte de l'originalité en éliminant sociologie et psychologie (on ne connait pas le passé des personnages, on ne sait pas trop ce qu'ils ressentent), en construisant une « story » tendance « love » mais pas trop quand même, en sortant des sentiers battus à coups de BO hype, de métaphores grossières, de plans sympathiquement travaillés. Le souci est que malgré toute cette démonstration, le rendu final est amer et démontre qu'une histoire légère, même reléguée au second plan et animée par de nombreux effets de style, reste une histoire légère. Matthias Schoenaerts, loin d'être une révélation pour moi, incarne entre autre un peu trop le cliché du mec dur au cœur tendre, sautant toujours à pieds joints dans les emmerdes. Et ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres.

Abstraction faite de ma déception que l'on pourrait qualifier au premier abord de mauvaise foi, je reconnais les quelques qualités évidentes du film, dont Marion Cotillard et son interprétation intéressante. Je ne fus toutefois complètement apaisé qu'une fois sorti de la salle, libéré de l'emprise de toutes ces leçons de vie, cette émotion dictée à la seconde, cette finesse trop calculée. Et non Jacques ! Certaines personnes n'ont pas attendu tes artifices cinématographiques pour se rendre compte qu'Antibes est une ville laide, qu'un boxeur belge peut être très con, que la paternité s'apprend ou encore qu'un estropié peut faire du sexe comme n'importe qui. Mais merci quand même !
RudolphD
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le 17 mai 2012

Modifiée

le 20 juil. 2012

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RudolphD

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