Red fist
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le 17 févr. 2016
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Pendant que la masse cinéphile – ou peut être, une simple minorité – fustige l'entreprise filmique autour des super-héros, je n'ai jamais été réellement agressive envers ce genre cinématographique. S'il faut s'attaquer à quelque chose, ce n'est certainement pas à cet ensemble de films qui constituent un genre. Il y en a plein, voyez-vous, des genres et on aurait tendance à amplifier l'emprise qu'ont les super-héros sur les autres types de films présents en salle. A un moment donné, cet effet va devoir être minimisé : environ trois voire quatre films par an. Combien de films apocalyptiques depuis une bonne dizaine d'années ? Autant, si ce n'est plus que les films adaptés de comics. Les deux genres cinématographiques ont pris leur marque avec le public au même moment : la fameuse date du 11 septembre 2001. Chaque film naît dans un contexte particulier, à petite et à grande échelle. Même s'il faut amoindrir l'impact des films de super-héros sur la distribution, on ne peut contester le fait qu'ils fassent énormément d'entrées. Un sentiment de lassitude est cependant apparu lors de la seconde phase Marvel : l'effet de surprise s'est estompé ; Nolan a fini sa fameuse trilogie ; Warner fait de la concurrence … etc. Deadpool était annoncé comme un pur vent de fraîcheur (en réalité un pet foireux) au milieu de tous ces bras musclés et de cette virilité suante. Trop tard.
Tout d'abord, tout ce qui aurait pu être excellent dans Deadpool a déjà été présenté dans Kick Ass. Les deux long-métrages appartiennent tous les deux à la même sous-catégorie de super-héros. Ça aide énormément à simplifier les choses, de parler de catégorie, ne m'en voulez-pas. Bien qu'étant similaires, mais seulement en apparence, les deux films se différencient beaucoup et pour faire court : l'un réussit, l'autre échoue. Rien à voir avec le fait que Kick Ass soit sorti bien plus tôt, ou qu'il ait apporté avec lui une certaine nouveauté dans ce genre … la distinction ne tiendrait qu'à une chose, or elle demeure primordiale : le travail. Le monde ne se divise pas entre des fainéants et des travailleurs mais force est de constater que faire un film, le réaliser, l'écrire ou bien l’interpréter demande beaucoup de temps et de travail, y compris pour les films dits « formatés ». Surtout, ce n'est pas parce qu'un film se présente sous la forme d'un récit comique que le travail effectué derrière ne doit pas être sérieux. Cela dit, je prends surement avec trop de sérieux l'ambition du film. Après tout, je suis un peu de la vieille école : propreté et honneteté dans le travail. Le film de Tim Miller n'est ni un film « propre » ni un film « honnête ».
En ce qui concerne la fausse honneteté du film, ça commence dès le générique. En gros, on vous dit clairement que le film a été fait par des branleurs payés bien trop cher pour ce qu'ils font. De fait, le film légitime son cruel manque d'écriture par ce simple énoncé comme s'il justifiait la qualité du film. En d'autres termes, le film n'essaie strictement rien car il n'en vaut pas la peine pour ceux qui le réalisent. Croire à une once de modestie serait une erreur, c'est probablement de la prétention. Par ailleurs, il n'échappe pas à de nombreux paradoxes : en voulant contenter le public, il s'en moque méchamment par la même occasion. Ainsi, c'est exactement ce que l'on appelle la flemme. Jamais le film ne proposera quelque chose puisqu'il part du principe qu'il est une nouveauté à lui-seul dans la sphère cinématographique des super-héros. Le pire dans tout ça, à mon sens, c'est que sa moquerie ne s'arrête pas aux frontières du public, il s'acharne également avec d'autres figures emblématiques de la firme Marvel. Quel intérêt de s'en prendre aux X-Men quand on n'atteint même pas le niveau des films de Vaughn ou de Singer ? Les deux réalisateurs n'en avaient jamais oublié une chose essentielle que l'on nomme « émotion ».
En effet, cela paraît contradictoire de parler d'émotion quand on achète sa place de cinéma pour aller voir Deadpool. Autrement dit, le film ne mélange aucunement les registres et tout doit être drôle. On casse donc le processus scénaristique et l'attachement auprès des personnages ne s'opère pas. Enfin, on ne dispose pas du temps nécessaire pour apprécier l'évolution des protagonistes car toutes les trente secondes, le film est coupé par des blagues ayant toutes la même saveur – sans parler des blagues prévisibles, regrettables pour un film de la sorte. Je crois l'avoir répété suffisamment de fois, et je m'excuse par avance de le dire à nouveau, mais le scénario ressemble à un enchaînement des synonymes des mots « bite », « chatte » et « pet ». Pour le dernier, ça pourrait encore me faire rire, pour ne pas vous le cacher. La critique que j'adresse se positionne non seulement par rapport aux dialogues mais aussi par rapport à l’enchaînement des situations. Ici, Deadpool marque son incohérence avec un montage qui ne donne pas vie aux personnages secondaires et à leur scène introductive. Tant pis, ils ont la flemme.
Deadpool reste cependant très correct bien que peu surprenant, d'où ma note. La mise en scène utilise des codes qui sont plutôt plaisants sans que jamais le film ne s'en débarrasse et essaie quelque chose de nouveau. Il ne fait aucun doute que Tim Miller a trop peur de prendre partie, de prendre position quitte à déplaire aux spectateurs. Ainsi, on ne ressent pas son amour pour ses personnages, contrairement à un Snyder, un Nolan ou un Whedon – bien que l'on puisse critiquer la valeur de leurs films, là n'est pas le problème. En réalité, le réalisateur de Deadpool donne à son public ce qu'il a exactement envie de voir mais ne l'étonne guère : un peu de violence par ci, un peu de sexe par là, une bonne dose de vulgarité. Malheureusement, le jeune Tim n'ira jamais dans irrévérencieux : la dite violence ne choque pas, elle est finalement contenue et peu réaliste, tandis que les scènes de sexe sont volontairement coupées et les angles ne favorisent que l'implicite. Les intentions étaient pourtant louables.
D'autre part, le film réussit au moins sur une chose : l'interprétation de Ryan Reynolds. Ce dernier est le seul à ne jamais prétendre quoique ce soit et sait pertinemment ce qu'il doit exécuter. Il lui arrive même de reconnaître ses propres limites. Le pauvre navigue pourtant dans un film qui aurait dû être à sa hauteur, c'est-à-dire plus simple dans sa forme. La scène finale paraît complètement inutile et il n'y avait nullement besoin de construire en CGI les décors. Plutôt que déverser dans la lourdeur numérique avec un budget limité, le film aurait pu se concentrer d'une scène finale plus intimiste qui aurait fait ressortir grandement des dialogues mieux écrits. Dernière chose que je ne voudrais pas cacher, j'ai trouvé le film assez laid comme un péplum qui ne disposerait pas d'assez de moyens pour rendre de sa superbe. C'est bizarre qu'il y ait autant de corrélation entre des effets numériques plutôt mauvais et une photographie sans saveur. Pourtant, la scène d'ouverture avait mis la dose, si je puis dire. Miller oublie qu'un film est un ensemble aussi con que le schéma « introduction/développement/conclusion » et qu'il faut relier cela avec cohérence. Il ne suffit pas de faire une bonne entrée en matière pour négliger tout le reste et c'est en cela que Deadpool n'est pas un film « propre ».
Pour en finir avec cette critique assassine qui va nécessairement déplaire, je regrette énormément le fait que Deadpool, qui s'annonçait comme du sang neuf au sein du genre super-héroïque, soit aussi peu ambitieux. C'est un film sur la prétention d'être mais qui, en réalité, faillit. Le film est boursouflé de rien et intègre des personnages ou intrigues sans que cela soit particulièrement nécessaire. Cela s'avère dommage car le film ne dispose pas moins de qualités : Reynolds, premièrement, et une mise en scène avec des idées. Or, le film échoue dans sa (fausse) ambition. Pourtant justicière des films de super-héros, je n'arrive pas à le défendre tant il ne fait que contenter les amateurs de comics d'une part, et les gourmands de films Marvel d'autre part. Et moi, dans tout cela, j'ai eu la flemme de faire une bonne critique.
PS : je vous invite quand même à écouter George Michael, ça, c'est cool.
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le 1 avr. 2016
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