En bon film français, Délicieux est un film qui parle surtout de bouffe mais aussi en toile de fond, de Révolution. Le réalisateur Eric Besnard disait vouloir faire un film sur l'identité française (et quoi de plus séduisant pour un français que de lui rappeler son amour de la bonne pitance ?).
Le film mélange alors cuisine et lutte des classes. En effet le cuisinier Pierre Manceron (joué par Grégory Gadebois) est renvoyé par le duc qu'il sert sous prétexte qu'il a osé proposé un nouveau plat composé de patates et de champignons ( les trucs qui poussent dans la terre c'est beurk à l'époque pour les richous).
Le problème du film à mon sens commence ici. Les idées sont souvent très bonnes mais manquent d'approfondissement, elles sont simplement effleurées puis on repart sur autre chose. L'idée de la création culinaire aurait pu par exemple être consubstantielle à la création artistique, montrant ainsi que les laquais n'avaient pas le droit à la créativité, à la libre-pensée, tout ça tout ça, mais cette idée qui semble bien présente au début s'estompe au fur et à mesure pour finalement disparaître à la fin alors même que cela semblait central dans les premières scènes.
Les images sont souvent très belles - comme la scène d'ouverture où Grégory Gadebois prépare à manger (alors qu'il ne sait pas très bien cuisiner dans la vie paraît-il), et l'on peut voir ses grandes mains pétrir avec vigueur la pâte sous une lumière en clair-obscur. On peut cependant regretter une nouvelle fois que des petits rien gâchent un belle image comme la bulle assez laide qui arrive au milieu de nulle part dans la scène de la nature morte.
On regrettera également les scènes classiques du cinéma ( tentative de baiser de Pierre Manceron, scène de baiser final, lancé de farine du générique de fin), les rebondissements à répétition qui n'ont plus ni queue ni tête, les changements d'avis assez rapides de certains personnages (
notamment de Tonquédec à la fin qui décide de se transformer en serveur
) et le manque de psychologie des personnages. Sur ce dernier point on peut principalement regretté que la figure du fils ne soit pas un peu plus creusée : tour à tour il apparaît comme assez insouciant et immature puis finalement très cultivé et philosophe puis capricieux...
Bref, ce film manque assez clairement d'approfondissement ce qui l'empêche de dépasser le stade du film bonne franquette.
Pour approfondir (interviews de Eric Besnard) : https://www.youtube.com/watch?v=I44QDE8b6xI
https://www.youtube.com/watch?v=eYs8oG9weCk