Delivery Man par Francis Janvier
Delivery Man est à la fois une merde et un film tout à fait fascinant, parce qu'il est la preuve que le scénario d'une oeuvre est moins important que son traitement. À l'instar du Funny Games US de Michael Haneke, Delivery Man est le remake américain du génial Starbuck, réalisé à nouveau par Ken Scott, pour un résultat toutefois plus proche du Psycho de Gus Van Sant (ce qui est marrant parce qu'il y a aussi Vince Vaughn dedans). La plus grande qualité de Starbuck, c'était son casting de fou furieux, mais ici les acteurs sont tous d'une absolue médiocrité. Alors que Patrick Huard pouvait toucher par son seul regard plein de tendresse à l'égard de ses enfants, Vince Vaughn, lui, est incapable de montrer la moindre émotion, on dirait juste qu'il s'en bat les couilles et qu'il fait que lire son texte sans jamais se l'accaparer, il a l'air limite robotique. Cobie Smulders, elle, est d'une fadeur extrême, transformant le personnage coloré de Julie LeBreton en un archétype insignifiant de femme américaine qui souhaite que son copain cesse de jouer à l'enfant. Chris Pratt s'en tire plutôt pas mal à côté, mais il est difficile d'égaler la performance magistrale d'Antoine Bertrand. Mais outre les acteurs pourris, il y a aussi toute l'atmosphère du film qui change, notamment à cause d'une musique pas dégueulasse mais trop punchy, qui fait perdre le côté mélancolique et presque tragique de certaines scènes, ne jouant qu'avec leur côté humoristique. Esthétiquement, c'est très potable, mais surtout très aseptisé, plus classique, plus hollywoodien, et c'est fort dommage. Delivery Man avait beaucoup de potentiel, notamment parce que c'était tourné par Ken Scott lui-même et que ça suivait fondamentalement le même script. Malheureusement, le réalisateur ne s'est vraiment pas fouler la cheville dans ce travail d'adaptation, peut-être trop cynique face aux producteurs qui ont simplement voulu surfer sur le succès de Starbuck, ou peut-être qu'il en avait réellement rien à foutre et que l'appât du gain fut suffisant à le faire lui-même dénaturer son oeuvre. Quoiqu'il en soit, Delivery Man est l'exemple le plus détestable qui soit de cinéma américanisé et vidé de toute sa substance.