"Dernier Caprice" est marqué par le style particulièrement reconnaissable de la dernière période d'Ozu, basé sur une série de choix techniques systématiques : la contre-plongée constante (on abusera de la fameuse expression : "Ozu filme à hauteur de tatami"), l'utilisation radicale de la moyenne focale, la composition extrêmement rigoureuse du cadre et un travail passionnant sur la couleur. Il est donc, pour commencer, formellement prodigieux, avec ses plans intercalaires d'intérieurs vides à la construction géométrique parfaite.
Mais c'est aussi une œuvre attachante, comme toujours chez Ozu profondément enracinée dans la culture japonaise (avec l'importance du temps, des saisons, de la nature, de la famille...), qui met constamment en parallèle les activités de ses personnages avec des plans intercalaires de paysages urbains ou naturels, relativisant ainsi l'importance des actes et les passions humaines. Il contient en outre une poignée de scènes qui frappent comme étant parmi les plus belles jamais filmées par le vieux maitre, et s'il n'est sans doute pas le plus poignant des films d'Ozu (la complexité des situations familiales ici décrites laissant peut-être insuffisamment d'espace à chaque personnage pour exister indépendamment), il atteint dans ses tous derniers plans une sorte de suprême élévation qui en fait le digne couronnement de l’œuvre de l'un des plus grands réalisateurs de l'histoire du Cinéma.
[Critique écrite en 1982 et 2005, remise en forme en 2017]