Marceau Leonetti,policier de qualité mais aux méthodes un peu brutales,genre Dirty Harry,est placardisé dans un commissariat de quartier.Jusqu'au jour où il est chargé de retrouver en quelques jours le témoin d'un meurtre qui se planque depuis plusieurs années.Accompagné de Jeanne Dumas,jeune inspectrice débutante,le flic se met en chasse.José Giovanni est ici réalisateur,adaptateur et dialoguiste d'un roman de Joseph Harrington solidement produit,les deux directeurs de production n'étant autres que les cinéastes Louis Daquin,à qui l'on doit notamment "Le voyageur de la Toussaint" ou "Premier de cordée",et Jacques Rouffio qui s'est illustré avec "Sept morts sur ordonnance" ou "Le sucre".La musique,pourtant signée du chevronné François de Roubaix,est par contre assez stridente et casse bien la tête.Ce qu'on remarque dans ce film est le parti-pris de Giovanni de traiter de manière vériste le travail de police.Pas d'intuition géniale ici,pas de coups de chance incroyables,pas de témoignages inespérés,juste un travail de fourmi consistant à se déplacer dans des immeubles,des commerces,des administrations,pour y interroger des gens peu enclins à aider les flics et qui ont une mémoire défaillante.C'est long,c'est lent,c'est répétitif et c'est décourageant car la personne recherchée se révèle insaisissable.Mais le duo s'acharne,exhume des détails,consulte des registres et progressivement se rapproche du fuyard,surtout quand on découvre que l'homme a une petite fille,ce qui est plus compliqué quand on veut se cacher.Si cette dimension quasi documentaire se révèle légèrement fastidieuse,les progrès,même minimes,relancent ponctuellement l'intérêt,et puis on varie les lieux et les personnages,ce qui nous transporte à travers un Paris populaire pas touristique pour un sou.Barres HLM déprimantes,immeubles en démolition,ruelles pavées où courent les rats,arrière-cours cradingues ou pavillons de banlieue minables défilent sous une lumière grise,Leonetti et Dumas arpentant inlassablement ces décors désenchantés où vivote une faune pas plus reluisante,ce dont profite l'auteur pour relever la sauce avec des protagonistes truculents aux gueules marquantes dignes d'un Mocky.Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si on aperçoit quelques habitués des oeuvres de JP tels que Marcel Pérès,Dominique Zardi,Roger Lumont et même le colosse à la gueule cassée Antoine Mayor qui n'est pas crédité et dont la participation à ce film ne figure dans aucune de ses filmographies.Giovanni introduit aussi un zeste de suspense avec cette bande de gangsters qui suivent les enquêteurs afin d'éliminer le témoin lorsqu'il sera débusqué,cette traque aboutissant finalement à une des rares scènes de violence du film,dont la longueur et la sauvagerie laissent pantois.Un sentiment funeste plane sur cette intrigue,ce qui se confirmera lors d'un final atrocement cynique et tragique qui douchera définitivement l'enthousiasme et la foi policière de l'inexpérimentée Jeanne.Les deux détectives sont persuadés tout du long de bien faire mais leur quête semble pourtant à double tranchant,leur satisfaction du devoir accompli cédant en conclusion à une horrible amertume.Lino Ventura,qui venait de tourner "Le rapace" avec Giovanni et le retrouvera en 83 pour "Le ruffian" est impressionnant en fonctionnaire hyper compétent et inébranlable qui fait ce qu'il a à faire sans aucun état d'âme,sans illusions et quoi qu'il arrive.Marlène Jobert,jolie comme un coeur,lui fournit parfaitement la réplique en fliquette naïve avide d'apprendre et de redresser les torts qui verra ses nobles sentiments se briser sur la dure réalité.Un incroyable défilé de seconds couteaux remarquables passe plus ou moins longtemps sur l'écran et on voit les visages familiers de Michel Constantin,Paul Crauchet,Pierre Frag,Michel Charrel,Jean Sobieski,le père de Leelee,qui fut un des amants de Dalida,Hervé Sand,héros en 74 de la série télé "Chéri-Bibi",Germaine Delbat,Bernard Musson,Jacques Richard,Philippe Brizard,Carlo Nell ou Sonia Vareuil,la jolie fille du "Collaro Show".La petite Bianca Saury est très bien,c'est la fille des comédiens Alain Saury et Béatrice Arnac,cette dernière jouant aussi dans le film.Il semblerait que Ventura aimait à s'entourer de la même bande de copains car on retrouve ici une bonne partie du casting des "Grandes gueules",qu'il avait tourné en 65,à savoir Constantin,Frag,Crauchet,Charrel,Pérès,ainsi que Frédéric Santaya et Sylvain Lévignac.