Korean rapsodie
En 2013, lorsque Bong Joon-Ho et Park Chan-Wook avaient traversé le Pacifique pour rejoindre l'usine à mauvais rêve Hollywoodienne, on craignit alors un occidentalisation décevante des meilleurs...
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le 29 août 2016
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Août 2016. Toute guillerette, tu te rends en salles pour voir un film. Attention, pas un film ordinaire. Un film de zombies, genre pour lequel tu as un faible. La presse te l'as vendu comme un film original (dans un TGV...jamais vu ça), à suspens, avec des personnages inédits. Tu vas voir ce que tu vas voir.
Donc tu t'assois tranquillement sur ton siège, au premier rang pour ne rien louper, et tu patientes, t'attendant à passer un agréable moment.
Et là. Putain. NOM DE DIEU DE DIEU.
Première scène:
cette biche morte qui se relève et fixe la campagne de ces yeux blancs, dans le silence le plus total;
Rien que ça te fout les jetons comme pas possible, et tu ne cesse de te repasser la scène dans ta tête dans les minutes qui suivent. Première grosse claque, il y en aura d'autres.
Le film te campe ensuite la situation tranquillement, et ma fois plutôt efficacement: tu sens vite le désarroi de ce père de famille qui échoue à communiquer avec sa fille, la tristesse de cette petite fille qui se sent délaissée. Il est difficile d'évaluer le jeu d'acteur, d'autant que les asiatiques n'ont pas notre manière de s'exprimer (les intonations, le débit surtout, sont différents), néanmoins tu trouves que les comédiens incarnent leur personnage de manière forte et arrivent à te faire passer des émotions, à être tout de suite en empathie avec eux. En cela, le film marque un point décisif: dans un film de zombies, les personnages comptent avant tout. Plus ils sont attachants, plus tu en as quelque chose à foutre de leur survie, et plus tu t'accroches au film pour voir lesquels s'en tireront (si toutefois la chose est possible).
Puis, à partir du moment où le papa qui veut bien faire se décide à emmener se môme à Busan, auprès de sa mère (et donc à assumer qu'il est un mauvais père), la tension commence à monter.
Il y a d'abord cet immeuble en feu, sur le chemin de la gare...
Puis, au moment du départ du train, cette passagère qui saute dans un wagon, haletante et salement blessée à la cuisse...
Puis cet attroupement, dans la gare...
Cet homme qui se jette sur le chef de gare...
Et pour couronner le tout, ce petit jeu de mise en scène bien sournois, histoire de te tendre les nerfs jusqu'au craquement (qui apercevra en premier cette jeune femme qui se zombifie lentement? L'innocente gamine ou l'hôtesse bien attentionnée?)
La réponse ne se fait pas attendre: premier zombie, première morsure. Il s'est déjà écoulé 20 minutes depuis le début du film. Et le cauchemar commence.
Les scènes suivantes te laissent estomaquée: c'est que dans ce film, les zombies sont partout. Ils attaquent dès qu'ils te voient. Et les personnages comprennent bien vite qu'ils ne sont plus en sécurité. Nulle part. Il y a juste un ou deux endroits où, à condition de se protéger efficacement, ils seront moins en danger qu'ailleurs. Les scènes de répit sont rares et de courte durée.
Au milieu de tout ça, se débattent les personnages (les deux principaux plus les autres, tous très bien caractérisés et pour la plupart assez attachants, que l'on découvrira au fur et à mesure). Aussi, tu trouves les stratégies des héros pour leur échapper, intelligentes et bien trouvées (ce qui donnera lieu aux quelques scènes drôles du film). Leur échapper, oui, c'est bien là toute la problématique du film: non pas "d'où vient le mal et comment le contrer" (World War Z), ni vraiment "Quelles sont les différentes réactions et perceptions de survivants de profils différents face à une menace apocalyptique" (28 jours plus tard, The Walking Dead), même si il y a de ça: ici, on en revient à la question de base: "Un groupe de personnes fait face à une invasion de zombies. Vont-ils s'en sortir, et si oui, comment?" Et ce thème, quoique très simple, est tellement bien traité, tellement exploité à fond, que tu ne peux que l’accueillir d'un hochement de tête approbatif.S'ajouteront à cela un ou deux passages d'horreur plus "personnelle" que tu vivras avec le héros (pour ne pas trop spoiler et ne citer que celui qui t'as le plus marquée:
Lorsque le gars reçoit un appel de sa vieille mère et l'entend se changer lentement en zombie à l'autre bout du fil. Quand tu te dis que cette gentille petite vieille aperçue quelques scènes plus tôt s'est changée en CA, en une de ces créatures grognantes, uniformes et interchangeables, concentrés de pulsions à l'état brut qui chassent en meute comme des chiens enragés, ça te fout un coup...
"Dernier train pour Busan" souffre bien de quelques défauts, mais ils sont bien excusables: les personnages ont beau être caricaturaux, ils ont le mérite d'être forts et de tenir chacun un vrai rôle dans l'histoire. Certes, le film souffre d'une ou deux incohérences (comment se fait-il que personne n'ait remarqué plus tôt la "patiente zéro" du train?) mais ils n'entravent en rien la cohérence générale du scénario. "
Jusqu'au dernier moment, tu trembleras. Tu riras de temps en temps. Tu t'attristeras souvent. ça faisait longtemps qu'un film ne t'avais pas fait cet effet-là. ça fait du bien. Et puis au terme de l'heure cinquante-huit dans laquelle tient le film, tu observeras le dénouement, puis pousseras un gros soupir, et aussitôt les lumière rallumées, tu quitteras la salle, estomaquée. Il te hantera longtemps, celui-là. Plus longtemps que "World War Z", c'est dire.
Et là, une fois dans le hall du ciné, tu sursautes; parce que tu viens de te rappeler quelque chose: le cinéma est assez loin de chez toi. Et pour rentrer, tu vas devoir prendre le RER. Alors, bien que ce soit totalement irraisonné et irrationnel, tu te mets à trembler. Tu ne sais pas ce qui t'attend. Et ça te fait peur...
"""
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Créée
le 13 mars 2017
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