Korean rapsodie
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le 29 août 2016
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Sous l'égide de son père spirituel George A. Romero, le registre du mort-vivant au cinéma aura tout connu entre les œuvres cultes de ce dernier, les innombrables série B et Z à la qualité hautement fluctuante, ainsi que de multiples renaissances portées par Boyle (il court, il court le "zombie"), Wright (un hommage adoubé par le maître du genre) ou encore Snyder (redorant le blason de l'art du remake).
Un champ cinématographique foisonnant en somme, ayant surtout fait le bonheur des amateurs d’horreur (mais pas que) ; et si l'on songe d'abord à des productions occidentales, Dernier Train pour Busan est là pour nous rappeler que les sud-coréens savent aussi y faire : car en marchant sur les pas du blockbuster World War Z (enfin, sur le plan de l'infection telle qu'elle est caractérisée), la réalisation de Yeon Sang-ho démontre que le savoir-faire asiatique peut faire aussi bien, si ce n'est pas mieux.
Le bref parallèle avec la grosse machinerie de Marc Foster ne lui fait d'ailleurs pas honneur, dans la mesure où Busanhaeng le supplante haut la main en dépit d'un budget dérisoire : plutôt que de coller aux basques d'un Pitt globe-trotter, celui-ci se place astucieusement à hauteur d'homme, tout en limitant son récit à une temporalité d'un seul tenant (à peu de chose près), dont la suite logique tient en une linéarité spatiale n’égarant pas le spectateur en péripéties superfétatoires.
Une bonne façon d’user avec justesse de ses moyens limités, mais la qualité intrinsèque que révèle le long-métrage tend à prouver autre chose : entendons par là que Yeon Sang-ho mène sa barque avec un brio certain, la simplicité d’ensemble de son intrigue s’auréolant d’un fond travaillé, cohérent et surtout percutant. Le bonhomme, qui signe là son premier film live, sait donc là où il va, Busanhaeng transpirant une maîtrise millimétrée : certes, la forme pèche quelque peu, entre une mise en scène sans véritables éclats (bien que sans accrocs), et des effets visuels corrects si l’on excepte l’aspect convaincant des macchabées s’offrant un retour parmi les vivants.
Mais là n’est pas tant la question, la lutte menée par Seok-woo et consorts brillant avant tout sur le fond : le récit nous offre en effet un bel équilibre entre figures calibrées, à la nature archétypale criante, et le développement en filigrane d’une thématique mettant à l’épreuve la solidarité de l’humain. En dépit d’un a priori convenu, les personnages servent ainsi une cause percutante, le long-métrage les renvoyant tout du long à leurs travers : traduction forte d’une société cédant aux sirènes d’un individualisme désespérant, pour finalement muter en un communautarisme artificiel et éphémère, le rejet de l’autre prenant une tournure d’autant plus perverse, si ce n’est destructrice, au contact de la peur primale des protagonistes.
Entrecoupé d’arrêts aérant le récit, tout en maintenant un niveau de tension maximal au gré de nouvelles séquences fortes (voire même inventives, le film profitant au mieux des particularités de ses zombies voraces), le long trajet qu’emprunte le KTX Séoul-Busan se pose comme le terreau de diverses évolutions, dont le facteur commun pourrait être l’antipathie suscitée chez le spectateur : Seok-woo y échappera de fil en aiguille avec la manière, tandis que Yong-seok va en catalyser peu à peu la totalité, mais là encore le caractère stéréotypés de ces derniers illustre un semblant de paradoxe à l’œuvre.
À l’image d’un Sang-hwa endossant le traditionnel costume du bourru apprécié, mais sacrifié, Busanhaeng parvient à tirer le meilleur de ses survivants (pour un temps) en alimentant efficacement son propos sous-jacent ; la prestation sans faille des interprètes n'y est certainement pas indifférent, dont Kim Su-an pourrait incarner le meilleur fer de lance : du haut de ses dix printemps, sa performance tient de la révélation, au point de crever l’écran à n’en plus finir tout en démultipliant l’effet tire-larme du dénouement (je le confesse, j’ai craqué).
Sans pousser jusqu’au vice de l’horreur pure (rien de forcément effrayant), Busanhaeng maximise ainsi de façon diabolique son potentiel émotionnel, happant dans une spirale de frissons hétérogènes le spectateur. De la sorte, on en oublierait presque les défauts dispersés ci et là, pourtant non anodins : au risque de se répéter, le film n’est pas fondamentalement original, son fil rouge obéissant à des ressorts classiques et autres facilités au service de la bonne conduction des évènements.
Dispensant une critique sociétale non déguisée, l’œuvre référence de Yeon Sang-ho outrepasse malgré tout ses quelques errements (presque courus d’avance) au moyen d’un rythme effréné, une atmosphère prenante à souhait et cette fameuse galerie de protagonistes, dont l’exquise réussite aura été de concilier essences conventionnelles et cette même démarche satirique. Un sacré divertissement en somme !
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Créée
le 18 août 2017
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