Dans ce coming-of-age sans prétentions – hormis celles, honorables, de donner et une voix et un repère à ces pré-ados trop peu mis en avant - , Bo Burnham évoque avec beaucoup de tendresse, et sans jugement, les difficultés que peuvent connaître les introverties au collège.
Sans doute légèrement autobiographique – il semble trop vrai pour qu’il ne le soit pas -, le film a l’intelligence de toujours rester au niveau de son sujet : Kayla n'est ni une victime, ni une sainte, juste une adolescente perdue. Pas besoin de dramatiser la situation avec des brimades ou agressions superflues, une famille violente, une agression sexuelle : la vie de Kayla, somme toute ordinaire, est une véritable tragédie.
D’une justesse absolue, le film peut s’avérer dérangeant dans les moments de gênes, notamment par le biais d’une mise en scène qui nous fait subir sa vie : on ressent son mal être dans sa démarche voûté lorsqu’elle arrive à cette fête où elle n’est pas vraiment conviée ; on ressent son angoisse, sa transpiration, son appréhension avant de sortir avec de possibles futurs amis ; on ressent sa difficulté à exister dans ce groupe déjà fonctionnel lors de ladite sortie ; on ressent son courage lorsqu'elle, hyper nerveuse mais feignant la décontraction, se motive à s'exposer au regard des autres - courage d’autant plus important qu’il faut oser, à cet âge où le corps est jugé, où les bourrelets et les boutons font leurs apparitions, s’exposer dans un film d’une telle ampleur.
On ressent, et on se souvient de la cruauté de cette époque, pour beaucoup compliquée, où le nécessaire « paraître cool » bride les individualités et risque d’effacer le soi, où l’on espère paradoxalement et se faire remarquer et et rester invisible, où il est impossible de confier nos peines à des parents désarmés.
Ce ressenti, ce côté dérangeant mais tellement réel, si palpable, n’est possible que grâce à des personnages incroyables aux interprétations si réelles, entre le père qui essaye en vain, la lycéenne enfin épanouie qui comprend la difficulté du collège et rassure - autant qu'elle le peut - Kayla, et cette dernière, parfois ingrate mais toujours compréhensible, qui ne manque pas de courage mais qui n'y arrive simplement pas, au point de s’enfermer dans son mensonge qui lui sert de carapace
Cette justesse des acteurs est sans doute au respect véritable qu’à le film pour son sujet, puisqu’il fait preuve d’une qualité admirable - et beaucoup trop rare : les acteurs ont l’âge de leurs personnages. Ce qui pourrait être un détail permet au contraire tout ce sentiment d’authenticité dont je n’ai que trop parlé.
Le film a tout de même un - seul mais non négligeable - défaut : de par son scope et son parti pris, son intérêt varie grandement en du spectateur. Mais il semble être l’une des rares propositions de ce style suffisamment réaliste pour que l'on s'identifie, et donc nécessaire pour beaucoup, que ce soit d'ex-Kayla, de parents de Kayla, ou de Kayla actuels.