Derrière la colline par pierreAfeu
C'est un peu du théâtre en plein air, des paysages démesurés pour décor, des acteurs perdus dans cette immensité, perdus en eux-mêmes, comme aveuglés. Allégorie de l'absurde virant au tragique par la faute de non-dits, de mensonges, et de peurs multiples, Derrière la colline est un premier film surprenant.
Faik, un retraité retiré en ses terres, son métayer et sa femme, leurs enfants, puis le fils du retraité et ses deux fils arrivant de la ville pour les vacances. Faik parle beaucoup, dirige, décide. Il évoque la menace des "nomades" sur sa plantation de peupliers, sa propriété, sa vie. Les autres écoutent et suivent, du moins en apparence. Personne ne le contredit, sauf peut-être Meryem, la femme du métayer. Entre les hommes soumis, dont un petit fils mentalement perturbé, et la femme tenant tête, au creux d'une vallée de poussière, de rochers et d'arbres solitaires, au milieu de laquelle coule une rivière, les personnages de cette pantomime vont se confronter aux sentiments de groupe, entre solidarité, rivalités, ressentiment et peur.
La mise en scène est belle. D'apparence simple, elle confronte les échelles (la nature immense et l'homme petit), se joue des bruits, des perspectives, des points de vue. Si le sens du film nous échappe un peu, on se laisse néanmoins porté par une ambiance singulière, presque mystérieuse.
On peut perdre le fil et s'ennuyer. On peut aussi admirer un parti pris narratif qui privilégie les symboles en évitant tout didactisme. Il faut en tout cas retenir le nom d'Emin Alper.