Les contacts naissants entre le jeune Napoléon Bonaparte et Désirée Clary, la fille d’un riche armateur, sont l’occasion pour le premier de s’enthousiasmer sur les qualités de la seconde : à ses yeux, elle n’est rien de moins qu’une demoiselle « sans artifices », ce qui lui semble quasi « inconcevable chez une femme ». Avant cette déclaration d’estime préambulaire, la séquence d’ouverture nous montrait Désirée annoncer à ses proches qu’elle avait invité « deux aventuriers » à la maison. Ce qu’elle ignorait alors, c’est qu’une histoire sentimentale douce-amère allait s’amorcer suite à leur venue – filmée en couleurs et en CinemaScope.
Sur la politique napoléonienne, on en saura peu, et presque exclusivement à travers le texte : la volonté d’imposer la liberté, l’égalité et la fraternité par les armes à travers l’Europe ; Robespierre, perçu comme un protecteur, prématurément guillotiné ; un exil parisien où le jeune Bonaparte s’acoquine avec les diplomates et les politiciens ; quelques plans militaires éventés lors de repas ou de discussions ; une personnification du pouvoir faisant dire au nouvel empereur : « Je suis la Révolution française ! » La sève du récit est ailleurs : dans la relation ambivalente et elliptique qu’entretiennent Désirée et Napoléon, où l’éveil mutuel fait place à une séparation douloureuse, puis à la trahison masculine – Napoléon avait besoin d’argent et de relations, et son mariage avec Joséphine lui offre en prime un commandement en Italie.
Sur cette relation avortée, le film d’Henry Koster se veut prolixe : le frère de Désirée se montre d’emblée méfiant ; la jeune femme pense avoir perdu l’amour de sa vie (avant de se marier avec un autre homme et de glaner le titre de reine de Suède) ; devenue conflictuelle, la relation entre Napoléon et Désirée débouchera sur des contacts parfois glaciaux relevant, de l’aveu même du général français, de « formalités de courtoisie ». Il faut dire qu’entretemps, Jean, l’époux de la jeune femme, a déclaré sans ambages à Napoléon qu’il ne serait jamais « un pantin dont [il tirerait] les ficelles ».
Ce biopic à gros budget, basé sur un roman d’Annemarie Selinko, se révèle toutefois assez décevant : si Jean Simmons irradie le film de son talent, la prestation de Marlon Brando s’avère plus contrastée, et l’écriture des deux personnages manque à la fois de relief (dans les excès) et de profondeur (dans l’exploration intime et/ou psychologique). Il y a bien quelques scènes mémorables – un travelling latéral sur un pont pour sonder une tristesse inconsolable, des réceptions aux regards appuyés et équivoques –, ainsi que des dispositifs appréciables – des costumes ou des toiles peintes sur lesquels il y a peu à redire –, mais l’ensemble manque très certainement de souffle, et peut-être même d’enjeux.
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