Le cercle des esprits rebelles entre les murs
Très remarqué pour sa critique acerbe et cynique du racisme quotidien aux Etats-Unis, Tony Kaye nous revient avec un film sur la condition des enseignants et des élèves dans les lycées. Et, une fois de plus, la noirceur l'emporte.
Detachment est un film paradoxal. Bourré de défauts, et recelant cependant un charme indéniable, un petit quelque chose qui le rend véritablement bouleversant pour peu que l'on parvienne à passer outre ces défauts. Crevons tout de suite l'abcès, le gros souci vient du scénario. Une histoire classique qui renvoie à d'autres classiques du cinéma US (Le cercle des poètes et Esprits rebelles en tête), un nid de personnages clichés, et une certaine tendance à appuyer certains effets narratifs qui auraient gagnés à rester dans le non-dit, le suggéré. Le pire et, sans doute, le plus impardonnable, vient de la relation entre Barthes et son grand père, ou certaines vérités faciles à deviner sont ici lourdement soulignées. Dommage.
Dommage car, pour peu que le spectateur parvienne à oublier ce classicisme de fond, il se retrouvera alors la gorge serré par un film d'une beauté et d'une simplicité poignante. Detachment assume ses défauts, sa simplicité apparente, cette imperfection et cette fragilité qui renvoient à ses personnages, et ne cherche pas à se cacher. Formellement, c'est bel et bien un ovni, qui détonne un peu au milieu de tous ces films sortis du même moule.
Ici, le réalisateur prend un risque, quitte à élever certains contre lui. L'utilisation répétée de la courte focale peut déstabiliser, de même que ses changements de format à répétition. L'aspect un peu documentaire du film, avec sa caméra portée et ses interventions de prof façon télé réalité surprend mais ne déplaît pas forcément, pour peu que l'on s'y fasse. Et les petits dessins au tableau qui ponctuent le film sont une trouvaille visuelle aussi étonnante qu'efficace.
Porté par un casting de choc, tous d'une justesse et d'une simplicité confondante, Detachment ne plaira pas à tout le monde. Mais, pour qui saura aller au-delà de ces défauts, il promet une expérience comme on en vit trop rarement de nos jours. Un film coup de poing, le premier gros choc de cette année 2012.