Il s'agit d'une commande, d'un film dont le producteur a dû se dire : polar + stars + Godard va rimer avec dollars. Godard accepte pour renflouer la production de son Je vous salue, Marie (un chef-d'œuvre !). Mais, énervé par les choix qu'on lui impose concernant les acteurs (à l’exception, notamment, de Johnny Hallyday, qu'il a choisi) et surtout de l'équipe technique (Godard voulait notamment Raoul Coutard comme chef opérateur), il semble avoir accompli le minimum syndical (tout le film est tourné en plans fixes). Du fait de la mésentente avec l’équipe technique, le tournage s'est d’ailleurs très mal passé. Il reste que le minimum syndical chez Godard cela fait tout de même un grand film avec quelques fulgurances.
Témoignage de notre Johnny national interviewé dans Télérama du 29 octobre 2014: « Le téléphone sonne : "C'est Jean-Luc Godard. Je voudrais déjeuner avec vous." Il m'indique un restaurant de poissons, commande une sole, sans m'adresser la parole. Je commande la même chose. Il mange, en regardant son assiette, puis lâche : "C'est bon, hein ? - Oui, c'est bon." Alors il se lève, et me dit "On commence dans quinze jours", et il me plante là.
Ça s'est très bien passé ! Il m'avait à la bonne, je ne sais pas pourquoi. C'était très gênant, il me montrait toujours en exemple : "Faites comme Johnny, il fait ce qu'il faut, lui !" Un personnage étrange, mais passionnant. Je n'étais pas un grand fan de ses films, ce n'était pas mon cinéma, la Nouvelle Vague. Mais j'ai beaucoup appris avec lui. Il n'y avait pas de texte. Il arrivait le matin, griffonnait les dialogues en dix minutes ; il fallait les apprendre dans la foulée. C'était terrifiant, mais c'est ainsi que j'ai dû et pu entrer complètement dans un rôle. Godard est le premier qui m'a filmé comme un acteur et non pas comme Johnny. »