Poissard jusqu'au bout

Un pianiste de bar veut rejoindre sa fiancée en Californie en faisant de l'auto-stop. Un homme l'invite à monter avec lui en voiture et sur le chemin, en prenant sa place, le pianiste voit que l'homme, qu'il croyait dormi du côté passager, est en fait mort. Après avoir abandonné le corps, il s'arrête à une station service où une jeune femme qu'il embarque veut le dénoncer, car elle a reconnu la voiture, mais pas le conducteur, qu'elle croit être assassiné.

Détour a été produit par un minuscule studio hollywoodien, la PRC, qui disparaitra d'ailleurs l'année suivante, et avec un budget de misère ainsi qu'un temps de tournage très court, Edgar George Ulmer réalise un classique instantané. C'est même une sorte de matrice des films noirs qui vont arriver dans les années 1950, avec d'une part la voix off omniprésente du héros, joué par Tom Neal, qui trahit la source littéraire, et surtout la présence de Ann Savage, qui préfigure tout une série de femmes fatales. Difficile de ne pas penser à Marie Windsor, qui reprendra cette figure blonde, avec ici un porte-cigarette du plus grand effet.

Bien qu'il n'y ait jamais de coup de feu, le scénario est plus habile qu'on le croit, avec toute une série de manipulations, où c'est clairement la femme qui a le jeu, sur ce pauvre type qui est vraiment tombé au mauvais endroit au moment. Je tiquerais juste sur une scène chantée qui n'était pas vraiment nécessaire, et sur la fin, qui rend morale tout ce qu'on a vu 67 minutes plus tôt, où c'est de la perversité à l'état pur.

Comme je le disais, c'est très court, fait avec peu de moyens, et pourtant, Ulmer s'est sans doute dépassé pour ce qui est son meilleur film et un classique du noir.