Deux jours, une nuit par pilyen
Il y a du soleil dorénavant dans le cinéma des frères Dardenne, mais il ne brille que dans le ciel et est loin de rendre la misère plus belle. Sandra, l'héroïne du film n'est pas misérable loin de là. Ouvrière dans une petite entreprise de panneaux solaires et avec son mari cuisinier dans une cafétéria, ils vivent dans un petite maison qu'ils viennent d'acheter. Mais quand suite à une négociation, elle devient l'objet d'une transaction ignoble (soit elle est virée et ses collègues restants empochent une prime de 1000 euros ou elle reste, mais personne ne touche rien), la précarité, la misère sont sur le point de la rattraper. Au moment où le film démarre, le choix est fait, ses collègues ont choisi la prime. Elle va tenter durant un week end de les convaincre un à un de renoncer à leur argent pour qu'elle puisse ne pas perdre son travail.
A part le point de départ que je trouve moyennement crédible, le film est une petite merveille de mise en scène. Alors que tout peut paraître répétitif, Sandra sonne inlassablement aux portes, débite le même discours, l'intensité augmente de scène en scène. Chaque coup de sonnette fait apparaître un personnage, un ouvrier. En quelques secondes, quelques mots aux apparences anodines et des plans d'une efficacité redoutable, une situation nous saute à la figure, épinglant subtilement un aspect de ce que tout le monde appelle désormais la fracture sociale. Et se succède ainsi, des hommes, des femmes, englués dans un quotidien morne, où un euro est un euro, aux prises avec un société qui les utilisent encore mais les a déjà relégués à la marge. La casse lente du monde ouvrier nous est présentée avec une telle subtilité qu'insidieusement l'émotion monte d'un cran à chaque nouvelle rencontre. Si le scénario impeccable et la mise en scène jouant parfaitement avec nos nerfs comme dans tout bon thriller sont d'une efficacité indéniable, Marion Cotillard, est, elle aussi, pour beaucoup dans la réussite de ce film. C'est bien simple, alors que je ne suis pas très fan de l'actrice, force m'est de reconnaître qu'elle est absolument sensationnelle. Débarrassée de ses oripeaux de star griffés Dior, elle est Sandra sans aucune équivoque. Tour à tour vibrante, angoissée, pugnace, désespérée, elle incarne parfaitement l'ouvrière licenciée et fait totalement oublier la star internationale. Un prix d'interprétation féminine peut lui être remis sans l'ombre d'une contestation.
Passionnant portrait d'une femme aux prises avec un libéralisme outrancier, "Deux jours et une nuit " est également celui d'une ouvrière qui voit disparaître toute une classe sociale,
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