Cédric Klapisch n'est jamais aussi bon que lorsqu'il ausculte l'air de temps et livre une de ces chroniques générationnelles dont il a le secret. Avant tout, Deux moi est un long-métrage très écrit, joliment dosé entre tendresse et mélancolie. Sur le papier, cette histoire de deux trentenaires solitaires et urbains, en pleine dépression, a dû effrayer les financeurs mais sans doute ont-ils assimilé que Klapisch donnerait du style au récit et trouverait un équilibre précis pour toucher la fibre émotionnelle des spectateurs. Cette comédie romantique contrariée, cette préhistoire d'une rencontre, comme Klapisch la qualifie dans ses interviews, où chacun cherche toujours son chat et une certaine idée de l'épanouissement personnel et du bonheur, fait parfois penser au sublime The Shop around the Corner de Lubitsch et n'a presque pas à rougir de la comparaison. Réalisme social il y a bien, vie quotidienne de quartier aussi, mais transfigurés par un grand sens du romanesque et quelques touches d'onirisme, osera t-on le terme de réalisme poétique ? Par ailleurs, le film joue plaisamment avec nos nerfs en retardant à l'infini la rencontre attendue de ses deux héros. Ce qui permet, chose qui se fait rare dans les productions françaises, mais pas chez Klapisch, de faire exister de vrais seconds rôles lesquels interviennent comme des facilitateurs de réappropriation de deux identités en jachère, bien mieux que les réseaux sociaux et autres applications de rencontre que le film épingle sans acrimonie excessive. Admettons toutefois que le versant psychanalytique de Deux moi n'est pas l'aspect le plus probant du film mais cela n'est que vétille. Protagonistes de deux vies parallèles, François Civil et Ana Girardot se complètent parfaitement pour incarner une génération connectée et sans cesse en quête de sens sans vraiment y parvenir. L' immarcescible François Berléand mais aussi le chaleureux Simon Abkarian, la suave Camille Cottin et d'autres comédiens encore se glissent sans ostentation et avec subtilité dans ce conte des villes au charme indubitable et qui raconte notre époque "formidable" avec finesse bien mieux qu'un traité de sociologie.

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le 11 sept. 2019

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