Je ne m'attendais pas à mettre une telle note à ce qui ressemblait, de loin, à l'équivalent en film des romans d'amour Milady.
Une agréable surprise, soulignée par un casting de malade mental :
* Eric Bana, dont la rareté à l'écran le rend d'autant plus cher à mon cœur, incarnant un Henri VIII plus capricieux et volage que jamais, obsédé par les conséquences d'un héritier absent.
* Scarlett Johansson, qui signe le dernier film de sa (trop longue) carrière, dans lequel elle ne m'est pas insupportable.
* Natalie Portman, qui là encore me surprend en bien (et ce grâce à son rôle d'exception).
* Jim Sturgess, pour son quatrième film, encore tout neuf de fraîcheur et mal dégrossi, mais impeccable quand même.
* Kristin Scott Thomas, en mère sévère mais aimante et somme toute tragiquement impuissante.
* David Morissey, qui semble décidément avoir toujours été abonné aux rôles de connards en puissance.
* Benedict Cumberbatch, dont l'apparition inattendue m'a donné des sueurs chaudes dans les reins.
* Eddie Redmayne, qui, même si je ne l'apprécie guère, signe avec ce film la deuxième année de sa jeune carrière et se rattrape grâce à un personnage discret mais attachant.
* Juno Temple, dans un rôle qui lui colle délicieusement à la peau : tempétueuse, roublarde, vicieuse, cachée derrière le visage rond de son innocence incarnée.
* ET MEME ALFIE ALLEN BORDEL DE MERDE.
Bref. Cette profusion de visages connus, aimés, a réussi à balayer bon nombre de préjugés pour m'inciter à entrer dans une histoire aux rebondissements que n'aurait pas boudé Game of Thrones. Si on ne peut malheureusement pas éviter les mouvements de caméra dignes d'un épileptique qui aurait oublié son traitement et l'aspect très téléfilm de Deux sœurs pour un roi (surtout pour les premières scènes), l'œuvre parvient rapidement à installer une ambiance de tension parfaitement réussie, et ballottée par les mouvements d'humeur d'un Henri VIII taciturne et exigeant, capable du meilleur comme du pire. On se prend à surveiller le moindre froncement de sourcils d'Eric Bana, on compatit pour la malheureuse Mary Boleyn, comme on se prend à aimer l'insupportable Anne, dont l'ambition insatiable la poussera dans les bras d'une mort douloureuse et prématurée. Peu à peu, l'histoire s'assombrit, entre les enfants mort-nés, les coucheries, les tromperies, l'inceste, la roue d'un destin digne d'une tragédie racinienne qui ne cesse de s'emballer. On se moque bien au final, du manque d'exactitude historique, car on ne s'attendait de toute façon pas à assister à un cours d'Histoire irréprochable.
Le jeu des acteurs, d'une grande qualité en dépit de cette production modeste, le soin apporté aux costumes et les quelques envolées musicales rares mais dotées de nuances à l'accent épique font parfaitement le job, et transportent pendant deux heures son spectateur dans la cour royale britannique du 16e siècle. Tout en nous rappelant l'adage.
Au droit de cuissage, tout est accordé.