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Rare premier film sélectionné en compétition officielle au dernier Festival de Cannes, « Diamant brut » est effectivement un petit joyau fait long-métrage même s’il aurait peut-être davantage eu sa place dans la section Un Certain Regard. Agathe Riedinger signe un portrait de jeune femme ou d’adolescente qui, du haut de ses dix-neuf ans, fait montre d’un sacré tempérament en plus d’une cassure et d’un mal-être profond qui rend le personnage passionnant. Le film prend la forme d’un récit d’apprentissage naturaliste doublé d’un constat entre social et sociologique sur une certaine jeunesse d’aujourd’hui. On ne quittera pas Liane d’une semelle durant cent minutes. Une jeune fille qui souhaite plus que tout s’échapper de son quotidien morose avec une mère absente et inconséquente qui l’avait placée en foyer et vivant dans un milieu prolétaire où elle vole pour se faire plaisir. Le moyen ? Devenir influenceuse et/ou star de la réalité, les deux allant souvent de pair dans un monde ou le culte de la bêtise, du vide et du néant sont de plus en plus rois.


Au début, on a un peu peur. Le personnage nous apparaît déplaisant, bête et vulgaire. Le récit semble superficiel et déjà-vu. Mais ces impressions vont vite disparaitre pour laisser transparaître une jeune fille bien plus fouillée et intelligente que prévu, validant l’adage que l’habit ne fait pas le moine. Plus « Diamant brut » progresse, plus on s’accroche aux basques de Liane et plus on a d’empathie pour elle. D’ailleurs, le long-métrage devient plus profond en même temps que sa protagoniste principale, déjouant volontairement nos craintes et nos appréhensions. La jeune Malou Khebizi, qui tient là son premier rôle et n’est pas une actrice professionnelle, est un tourbillon de fureur et de douleur mélangée. Le genre de révélation qu’on voit rarement, de l’acabit d’une Sara Forestier dans « L’Esquive » ou d’Adèle Exarchopoulos dans « La vie d’Adèle » pour reprendre deux jeunes révélations féminines faites par Kechiche ou de la Lyna Khoudri de « Papicha ». Elle est incandescente, émouvante, bouleversante et, contre toute attente, attachante malgré des allures de fille vulgaire, aguicheuse et sans avenir. Le film croque le portrait d’une certaine jeunesse brisée dont le seul espoir semble parfois être le miroir aux alouettes de ce nouveau type de célébrité.


« Diamant brut » fait parfois froid dans le dos. Pas que ce soit un film d’angoisse mais le portrait qu’il tire d’une partie des jeunes d’aujourd’hui, particulièrement dans les milieux désœuvrés, est effrayant. Cette aplogie du vide, de la bêtise et du prosaïsme est à son paroxysme, bien nourrie par l’addiction aux réseaux sociaux qui biaise la réalité et donne de fausses valeurs et espoirs à des personnes qui ont besoin de combler leur vide intérieur. Tout cela est ici dépeint avec beaucoup d’acuité, sans jugement, mais dans ses zones les plus poussées et sombres. Il n’y pas vraiment d’histoire ni de fil conducteur si ce n’est l’attente d’une réponse à un casting mais ladite attente permet de suivre Liane dans tous les recoins de son esprit, de son mal-être tout autant que dans sa vie de tous les jours.


Le tout est rythmé et certains plans sont magnifiques et figurent le désespoir dans toute la beauté qu’il peut paradoxalement avoir. Le monde de paillettes factices auquel s’oppose le décor dans lequel évolue Liane est édifiant. Riedinger livre un sacré portrait de jeune fille, cru, vrai et intense qui nous hypnotise. Et la performance de sa jeune actrice restera dans les annales pour une œuvre qui fait mal aussi bien sur la réalité de nos sociétés et de notre jeunesse que par la détresse de son diamant brut. Une première œuvre en forme de révélation entre le cinéma des frères Dardenne, celui de Kechiche et celui de Céline Sciamma. Le pendant peut-être encore plus impactant du « How to have sex » de l’an passé même si les problématiques sont différentes. En revanche, on est un peu étonné d’une fin presque happy-end au vu de la teneur de ce qui a précédé... On en est presque déçu malgré sa beauté! En somme, si ce n’est un début empreint d’appréhension, quelques séquences qui n’apportent rien au film (dont la scène avec les trois hommes et le strip-tease) et une fin qu’on aurait imaginé différente, voilà une belle surprise.


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JorikVesperhaven
7

Créée

le 16 nov. 2024

Critique lue 112 fois

Rémy Fiers

Écrit par

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