Aaaah, les chieuses... Adorables créatures célestes ayant décidé de nous pourrir l'existence par leur caractère, leurs manies, leur tempérament, par l'aura mystérieuse et inaccessible qui émane d'elles. Ces insupportables enquiquineuses, on les flingue ou on les épouse, c'est tout l'un ou tout l'autre. Avec elles, pas de demie mesure. Dès l'instant où vous avez décidé de les suivre, vous ne pouvez faire marche arrière et accepter bien sagement les caprices qu'elle laissera amoureusement sur votre route le reste de votre misérable existence.
Née de la plume aiguisée de Truman Capote, Holly Golightly est l'incarnation parfaite de ce type d'individu, la reine suprême des adorables chieuses, à qui la craquante Audrey Hepburn prête sa jolie frimousse. Sous la caméra enamourée de Blake Edwards, la comédienne irradie d'un charme mutin doublé d'une classe folle à vous faire tourner la tête, tout en laissant soigneusement entrevoir des fêlures bien réelles.
Car si "Breakfast at Tiffanys" est une véritable bulle de savon, un superbe écrin où resplendissent une multitude de personnages hauts en couleur, de dialogues savoureux et de situations délicieusement décalées, sa légèreté ô combien romantique ne peut dissimuler bien longtemps la gravité de son sujet, la mélancolie qui se dégage de cette rencontre salvatrice entre deux âmes paumées, vendant leur corps et leur âme dans le seul but de survivre dans la jungle new-yorkaise, de se réserver une petite place au soleil, au sein d'une élite qu'ils ne peuvent admirer qu'à travers le chic des vitrines et le papier glacé des magazines.
Bien qu'édulcoré dans son final et souffrant d'une sérieuse faute de goût en la personne d'un Mickey Rooney qui ne fera rire que les fans de Michel Leeb (en reste-il seulement ?), "Breakfast at Tiffanys" est une petite merveille aussi rafraîchissante qu'impertinente, une tragédie camouflée en comédie et inversement, incroyablement couillue pour l'époque.