Il s'agit de construire à partir de rien un quartier comme on le ferait dans un jeu vidéo. La priorité n'est pas l'architecture ni l'urbanisme mais le clinquant, l'imitation, le travestissement d'une ville selon des codes présentés comme modernes. Avec "Diamond Island", Phnom Penh veut montrer à la terre entière que le Cambodge est acteur de sa propre transformation.
Le film suit Bora qui quitte sa campagne pour venir travailler sur le chantier géant. Le jeune homme se place d'abord en retrait, observateur d'un monde à découvrir et d'une vie urbaine dont il ne sait rien. Comme ceux qu'il côtoie, il représente une jeunesse qui n'a pas connu le passé tragique de son pays et se trouve confrontée au surgissement brutal d'un futur immédiat auquel elle doit immédiatement s'adapter.
Si Bora se prend à rêver c'est en y croyant à peine, semblant envahi le plus souvent par un état de mélancolie qui ne le quitte pas. L'évolution sociale de son personnage répond au schéma promu par le système libéral. C'est un parcours individuel qui doit concilier renoncement et trahison. Il faut trahir ses origines, ses amis, son amour... pour avancer, tenter d'atteindre le rêve vendu sur les affiches géantes, les simulations 3D.
La mise en scène tord la réalité en variant les points de vue et les approches. L'image accentue les contrastes colorés, les plans graphiques inspirés de mangas ou de jeux vidéo venant souligner l'artificialité des quartiers en construction. La nuit est percée de néons et se place hors du monde. Sortant certains dialogues de leur contexte, osant la post-synchronisation, le travail sonore souligne la volonté de Davy Chou de trouver la vérité ailleurs que dans une représentation frontale du réel en évitant tout misérabilisme.
À l'image de son personnage principal, Diamond island est une œuvre profondément mélancolique. Superbe visuellement, riche et moderne, le premier long métrage de Davy Chou séduit par son ambition formelle et touche par la peinture subtile d'un pays en pleine mutation.