"Qui c'est qui a chié sur mon putain de fond vert ?!"
Pourquoi ? « Pourquoi ? », c’est le premier mot qui me vient à l’esprit après la projection de A Good day to Die Hard. Il y a quelques années, nous avons redouté le pire lors de la sortie de Die Hard 4. Ce dernier a beau ne pas être bien terrible, il en demeure vaguement honnête malgré sa dernière partie passablement à l’Ouest. Sûrement pas un bon Die Hard, mais un film d’action qui se regarde et qui jouit des vestiges de l’esprit Die Hard. C’est toujours ça de pris. Alors que John McTiernan croupit en prison, la Fox a eu la brillante idée de confier la réalisation à ce grand cinéaste qu’est John Moore. Et là, je reviens à ma toute première interrogation : pourquoi ? Pourquoi John Moore ? Même en raisonnant comme un producteur, rien ne tient la route. Le gars est plutôt un mauvais réalisateur, tout le monde le sait, et en plus il n’est pas spécialement bankable (luxe que Wiseman se payait). Rien à faire, la machine est en branle, c’est décidé : c’est un tocard qui réalisera Die Hard 5. Bilan des dégâts.
Rien ne va plus au pays de Die Hard. Les aventures de John McClane, délocalisées au pays des Rouges, ont oublié d’emporter avec elles leur esprit décontracté et bon enfant. Dès le début du film, on comprend qu’on aura donc affaire à un film foncièrement hors-propos. On surfe quelque part entre le sous-style 24h Chrono et Mission Impossible. Ce qui est finalement très fort, c’est d’avoir un générique d’intro qui est lui-même hors-propos. C’est finalement très symptomatique de tout le reste du film, alors que pourtant, c’est quand même pas le truc le plus difficile à faire dans un Die Hard. Pour rappel, Une Journée en Enfer (Die Hard 3) se lançait simplement sur Die Hard... With a Vengeance en rythme sur Summer in the City, et hop, c’était plié. Mais non, il fallait bien que John Moore (que son nom soit maudit) mette son nom. Deux fois en plus (A John Moore movie (...) directed by John Moore) ! Le saligaud !
On passera également 10 bonnes autres minutes au début du film à s’interroger tout bêtement sur le choix du format. A nouveau, ma question revient : pourquoi ? Pourquoi une saga qui a toujours été en 2.35 (cinémascope) passe en 1.85 ? Quel est l’intérêt ? Lui donner un look de film d’action DTV ? Mais t’as quoi dans la tête mon bon John ? Finalement, on dirait que ce dernier a fait tout son possible pour détruire la saga et les codes de cinéma qu’elle a instauré. Car oui, je pense que John Moore n’aime pas Die Hard. Non content d’avoir propulsé Max Payne au rang de pire adaptation de jeu-vidéo (alors que bon, Max Payne, c’est tellement énorme que ton adaptation elle est déjà toute faite, bon sang !), il fallait que le bonhomme confirme sa performance.
Histoire de confirmer la venue de McClane au pays du hors-propos, on se tape une intrigue dont les enjeux nous échappent totalement fait d’un sous-style 24h Chrono et Mission Impossible, à base d’armement nucléaire, de menace mondiale, de politique... Oui, bon, moi je m’en fous quoi. McClane c’est un flic Américain, il est pas agent secret. Alors oui, c’est en rapport avec son fils, mais bon... Son fils quoi. Mais à nouveau... Pourquoi ? Pourquoi lui donner un acolyte qui n’est finalement qu’une copie de lui-même en version jeune (donc résumons : un mec qui tue autant de méchants), sachant que dans les seuls deux autres opus où il fait équipe, il se tape plus ou moins un boulet. Ça ne m’intéresse pas un duo de bourrins, sinon je vais revoir l’Arme Fatale, à l’époque où l’action ça avait encore de la gueule. On a donc ces deux personnages qui errent dans les plaines du vide scénaristique le plus total à la recherche de quelque chose à faire.
Là où John Moore est fort, c’est qu’il relève un autre défi : peut-on mal faire le vide ? Eh bien oui. Fort de son scénariste Skip Woods (sérieusement, t’es scénariste tu t’appelles pas Skip quoi, c’est un prénom de capitaine de chalutier), qui rappelons-le, a signé les scénarios de X-Men Origins : Wolverine ou encore Hitman, John Moore développe un enchainement de séquences d’action qui ont réussi à m’endormir pendant quelques minutes. Parce que oui, encore un scénario de merde, il pourrait être compensé par une bonne écriture des scènes d’action, un truc avec un peu d’ambition pour profiter du budget et en mettre bassement « plein la vue ». Même si ça aurait été un brin facile, je l’aurais pris bien volontiers. Mais non, même pas. Soit c’est terriblement lambda, soit c’est quelque chose qu’on a déjà vu en beaucoup mieux, même chez des réalisateurs pas très inspirés type Simon West ou Renny Harlin.
Tout le reste, c’est de la blague (quoi que finalement, ce dont je viens de parler, c’est aussi de la blague). De la radioactivité à Tchernobyl ? Pas grave, il suffit de passer un coup de karcher magique pendant 30 secondes, et hop, plus de radioactivité dans La Zone. Ils doivent être sacrément cons les Russes (enfin les Ukrainiens, mais c’est pas grave, dans le film c’est pareil) pour n’avoir jamais trouvé ce produit. Ou alors c’est le producteur qui a dit au scénariste « mec, on va pas faire enfiler à Bruce Willis une combinaison moche, trouve-moi quelque chose ». La seconde option me parait plus cohérente. Un méchant qui n’a pas de charisme ? C’est pas grave, on va en mettre plusieurs qui vont plus ou moins se relayer suivant des twists aussi fournis que la chevelure de Bruce Willis. Alors d’accord, je me doute qu’avoir aussi bien que les frangins Grüber des Die Hard 1 & 3 pour faire des bad guys c’est pas évident à trouver, mais bon, juste un mec « correct sans plus », ça va, c’est pas le bout du monde non plus. Mais puisque je vous dit que le film s’est entêté à faire exploser toutes les fondations de la saga... Un attentat.
Le pire attentat du film, c’est visuellement. Die Hard 5 rentre incontestablement dans mon (très convoité) top10 des films les plus laids des années 2000/2010. On ne voit pas ça si souvent. Le directeur photo a proposé quelque chose de vraiment cosmique : une photo cyan et magenta. C’est quand même pas commun ! Encore moins dans un film d’action. Enfin je ne sais même pas quoi dire dessus, si ce n’est que le gars doit avoir de sacrés problèmes de vue pour pondre un truc pareil. Et puis quand c’est pas les couleurs qui foirent, c’est la fête du grain de pellicule. Mais je me pose sérieusement la question : qu’est-ce qui se passe dans la tête de ces gens quand ils font leur métier ? Même Die Hard 4 qui a une direction photo à l’Ouest, c’est un peu moche mais finalement pas plus choquant que la plupart des films du genre Américains. Là c’est... Non mais c’est cosmique, c’est le mot. Puis s’adjacent à ça des effets spéciaux venus d’un autre monde qui te balancent des couleurs tout aussi cosmiques à la gueule, si bien qu’à un moment donné t’as l’impression de voir un film d’animation qui serait né d’une sodomie entre Avatar et Sucker Punch.
Forcément, c’est réalisé avec les pieds grâce à un découpage qui te fait même oublier comment tu t’appelles, un cadreur ivrogne et parkinsonien qui trouve que les zooms c’est trop fat pour dynamiser l’action (sérieusement il y a des zooms je pensais qu’on en faisait plus depuis l’époque des séries B Italiennes des années 60)... Puis le film s’obsède a créé des disciplines telles « 100m sur fond vert » ou encore « saut sur fond vert ». Mais sérieusement, putain de merde, ça vous coûte quoi de construire un décor ? (même pas démesuré, en plus). Non mais allo quoi ? ALLO ? Juste des mecs qui courent, pourquoi foutre un putain de FOND VERT ? ALLO MC FLY ? Y’A QUELQ’UN LA D’DANS ?
Puis Bruce Willis n’en a rien à foutre, il est là il se demande lui-même pourquoi. Je parie même que pendant les prises il se disait « putain, même le tournage de GI Joe 2 c’était plus sympa... ». Personne n’en a rien à foutre en fait (sauf John Moore, entêté comme jamais à détruire la saga). Marco Beltrami, habituellement un bon compositeur, bassine avec des compositions qui viennent de divers horizons sans aucune homogénéité. Lorsqu’on savoure les quelques notes qui proviennent des compositions originales du premier Die Hard... on est vite ramené à la réalité par de la soupe post-moderno-kitchouille.
Die Hard 5 fait probablement parti des pires films d’action que le cinéma Américain a pu nous servir. Car finalement, c’est un double-devoir qui est raté : celui de faire revivre un peu le cinéma d’action, et celui de prolonger la légende Die Hard. Comme beaucoup, j’ai grandi avec les punchlines de John McClane. Autant vous dire qu’à l’heure actuelle, je pleure. Je confesse tristement avoir pris plus de plaisir devant le pitoyable Taken 2, qui au moins m’aura fait rire avec son histoire de grenades lancées au hasard dans la rue. Et si j’en viens à dire ça, c’est qu’il y a un sérieux problème. Mais là, c’est la sanction. « Prends ça pov’ con ! », serais-je tenté de lancer à ce cher John Moore.