Robert Mitchum, qui a prêté serment aux Marines, et Deborah Kerr, qui a prêté serment à Dieu, se retrouvent seuls sur une île déserte du Pacifique durant la Seconde Guerre mondiale. Unique survivante d’une congrégation religieuse, sœur Angela voit débarquer le Caporal Allison, rescapé du naufrage de son sous-marin. Voilà comment débute ce huis-clos à ciel ouvert sous l’œil de John Huston.
Le cinéaste de l’échec, à qui il est arrivé parfois de torpiller de beaux sujets à force de refuser un certain souffle épique dont il est aussi capable pour donner du corps à l’ensemble, parvient ici à un parfait équilibre. Là où on pouvait craindre un film uniquement bavard et maladroit dans ses rebondissements (à l’image, au hasard, du Barbare et de la geisha réalisé l’année suivante), il mélange avec une rare intelligence les genres pour réussir ce film inclassable, injustement méconnu. Il explore, grâce au talent de ses deux formidables interprètes, la psychologie de chacun, d’abord sans nuances puis, peu à peu, avec finesse. Il exploite parfaitement le magnifique cadre de son histoire avec un véritable sens de la photographie et trouve les ressorts nécessaires pour multiplier les rebondissements.
Entre drame, aventure, comédie, action, survival, film de guerre, il déroule un film riche qui invite à la réflexion. Mettant sur un même pied d’égalité, non sans ironie, l’engagement militaire et religieux, John Huston montre l’évolution de deux personnages qui, nourris de préjugés, peu à peu s’ouvrent à l’autre et s’enrichissent. C’est peut-être un brin caricatural mais l’idée est franchement originale et menée sans temps mort. Un vrai beau film.