Dans ses mémoires, John Huston déclara :
"On mentionne rarement Dieu seul le sait quand on parle de mes films et cependant je le considère comme l’un des meilleurs films que j’aie jamais faits".
De son côté, l'immense Robert Mitchum aurait déclaré que c’était là son plus beau rôle.
Déjà qu'il n'y a pas besoin de ça pour être fortement intéressé par un film de John Huston, mais là ça donne bien envie !
Il raconte ici l'histoire d'un marine échoué sur une île tropicale occupée par les japonais et qui va y rencontrer une religieuse. La force du film se trouve notamment dans le portrait de ces deux personnages, leurs profondeurs, convictions ainsi qu'évolutions et le rapport qu'ils vont entretenir. Il mêle habilement film de guerre et drame intimiste, mettant en avant une cohabitation forcée alors que le conflit armé bat son plein et Huston arrive à brasser et étudier toutes ces thématiques avec brio, sans jamais en devenir lourd ou se perdre.
Dieu seul le sait est notamment intéressant dans la façon dont le metteur en scène de Plus Fort que le Diable met habilement sur un même pied d'égalité la religion pour la nonne et l'armée pour le marine, chacun symbolisé par leurs vêtements, c'est osé et assez intéressant, ce qui en découlera une histoire d'amour que l'on devine vite impossible. Il y a une certaine pudeur et intelligence chez John Huston pour aborder cette relation, il évite les pièges du genre ainsi que les clichés pour en livrer un modèle de sensibilité.
D'une manière tout aussi intelligente et sobre, Huston s'interroge sur la religion et les devoirs envers Dieu lorsqu'on est en danger sur une île occupée et seule avec un militaire, tout en axant de plus en plus son récit vers le film de guerre avec une fin allant dans ce sens. Il joue sur plusieurs tableaux et ce avec brio, tout en proposant une ambiance assez forte, ambiguë et pesante, totalement immersive, alors qu'il bénéfice d'une excellente écriture, tant pour les personnages que les péripéties et surtout les dialogues, sonnant toujours juste et étant assez forts.
La force de l'oeuvre vient de la capacité à John Huston à tout gérer avec talent, notamment derrière la caméra où il propose souvent des vues d'ensemble, sublimant les paysages et faisant preuve d'une sobriété servant les personnages et propos. Plusieurs séquences en deviennent mémorables, que ce soit d'action ou non, tandis qu'il démontre à nouveau tout son génie pour diriger des comédiens, Robert Mitchum et Deborah Kerr formant un inoubliable couple impossible, chacun sachant jouer avec justesse pour mieux faire ressortir l'émotion et la puissance des personnages.
En mettant en scène Dieu seul le sait, John Huston aborde avec justesse l'armée et la religion, n'hésitant pas à les mettre sur un même pied d'égalité, pour mieux en faire ressortir réflexion et émotion, montrant à nouveau tout son talent et intelligence et dirigeant deux formidables comédiens.