Albert Jeanjean marche à petits pas balourds, tâtonnant dans cette ville qui est la sienne et dans laquelle il se perd pourtant toujours.
Albert Jeanjean assiste désespéré, puis résigné, puis philosophe à l'inexorable perte de ses cheveux et au désert qu'est sa vie sexuelle et amoureuse catastrophique.
Albert Jeanjean a un petit appartement sous les toits, un boulot pas terrible et des amis qui heureusement, sont toujours là, et ont parfois une vie plus morne que la sienne. Pratique pour frimer.
Versailles-Chantier, deuxième opus de la trilogie versaillaise des Podalydès (après le moyen-métrage Versailles Rive-Gauche et avant le moyen tout court Bancs publics (Versailles Rive-Droite) ) est probablement le plus accompli et le plus riche des trois, tant il est une accumulation sans début ni fin de péripéties ordinaires rendues pourtant surréalistes et hilarantes par le verbe des deux frères. Ultra référencée (Tintin, çà et là), et touchant pourtant au plus vrai grâce à son étonnant décalage permanent, daté et pourtant universel, simple par ce qu'il nous dit et pourtant complexe par ses expérimentations de montage, libre comme l'air, ce film, qui porte en lui l'ADN même du genre "auteur" sans que cela n'annonce rien de pesant ou de prétentieux, est un carnaval heureux et toujours drôle, coloré et émouvant, absurde parfois, vibrant toujours.
Etude resserrée d'un individu gravitant autour d'un groupe, rappelant Desplechin (pour l'époque, les thèmes, le casting) mais sans sa gravité littéraire, et pourtant toujours brillamment écrit, Dieu seul me voit est un délice que l'on souhaiterait interminable (et l'on sait qu'une version de 6 heures en épisodes a été faite après la sortie cinéma de deux heures), et vaut notamment pour le festival Denis Podalydès, présent à chaque scène, qui, seul ou accompagné, apporte son flegme, sa précision et son talent d'acteur-auteur à ce personnage que l'on pourrait suivre toute une vie.
Dieu seul me voit, où la victoire de loosers sublimes et du quotidien médiocre.