"Django Unchained" a fait tellement de bruit à sa sortie que l'ayant raté au cinéma, j'ai hésité longtemps avant de me résigner à le regarder sur petit écran, persuadée que j'allais en manquer la saveur. Bon. Commençons par le début du visionnage.
Dès les premières minutes, j'ai trouvé la photographie globalement hideuse. Cette première scène de libération des esclaves dans la forêt et la nuit m'a agacée à cause d'une lumière inesthétique et mal contrastée. S'en suivront dans le film des surexpositions j'imagine volontaires, des éclairages extérieurs le plus souvent ternes et écrasants pour la scène, ou des lumières intérieures, dont ne se dégagent qu'une seule couleur, celle littérale de l'éclairage à la lanterne. Où est le relief ? Où est la transposition d'une humeur par l'ambiance lumineuse de la scène ? Ca ne suffit pas de mettre des contre-jours dans l'encadrure des portes pour rendre supposément spectaculaire l'entrée d'un personnage. De la part de Tarantino, dont j'ai l'image d'un esthète cinéphile, ce premier point me déçoit.
Ensuite, je me suis surprise, au bout de deux ou trois scènes, à m'impatienter. Ça traîne, le rythme n'est pas soutenu, plombé par le nombre de plans, par le débit des acteurs, par l'écriture des dialogues. Sans parler de l'infinité de plans au ralenti censés rendre badass l'action alors que bon, oui, bon. C'est attendu. On met aux acteurs des chapeaux, on plante deux-trois punchlines bien senties, on zoome sur des regards par en-dessous, on fait parler la poudre, et hop, on a tous les ingrédients pour faire semblant que les héros sont des héros.
Sauf qu'ils n'ont rien d'admirable, et que Tarantino ne nous donne pas les clés pour être en empathie ou en opposition à ses personnages. Il n'est pas question de mettre en cause la morale douteuse du bonimenteur qui tire satisfaction à gagner sa croûte en tuant (Christoph Waltz), du noir qui se plie à interpréter le rôle de négrier sans sourciller ou qui n'offre aucune rédemption à qui que ce soit (Jamie Foxx / mais aussi d'une certaine manière le personnage de Samuel L. Jackson), du riche bourgeois se noyant dans le faste, la violence et la concupiscence (Léonardo Dicaprio). Non, je suis prête à considérer, admettre, peser ces caractéristiques, à les mettre en balance avec ma propre humanité, à condition que l'auteur de l'oeuvre partage avec moi une vision, un angle.
Je ne comprends pas comment ce film peut durer 2h45 alors qu'on n'assiste à aucun des événements qui pourraient nous rapprocher des personnages et de leur parcours. On ne s'attarde que sur le vernis : les beaux mots et les bonnes cascades. Django, justement, le personnage principal interprété par Jamie Foxx qui est globalement l'unique raison pour laquelle je mets quelques étoiles à ce film, passe d'esclave fraîchement libéré à gros frimeur de la gâchette sans autre forme de procès. Comment un bonhomme comme le personnage du chasseur de prime décide-t-il de se mettre à ce point en danger pour aider Django à récupérer sa femme sans qu'une histoire, une amitié profonde soit créée entre eux ? C'est pas de la mièvrerie de ma part, vraiment, c'est de la logique narrative, ce qui fait pour moi la saveur renouvelée de fils narratifs a priori éculés est leur réinvestissement par les auteurs et les réalisateurs avec de nouvelles couleurs, idées, propositions.
J'ai entendu souvent au sujet de Tarantino que ses films étaient ultra référencés, que c'était le plus grand fan de cinéma au monde, etc. Je n'ai pas la culture cinématographique suffisante pour juger de l'impact de cette passion sur sa pratique, mais j'entends néanmoins qu'il aime enfiler les codes de genre comme on enfile des perles, ce qui dans le cas de "Django Unchained" me semble priver l'oeuvre de son âme. Je parlais d'angle tout à l'heure : le thème de l'esclavage est traité avec complaisance, sans humour et sans contraste. Si j'avais été touchée par "Inglorious Basterds" et sa violence délirante portée par des personnages réellement hors du commun et brillamment interprétés, je trouve ici le trait grossier et l'intention pas claire.
J'ai eu l'impression d'assister ici à un premier jet, mais Tarantino est loin d'en être à son premier coup d'essai, et bien qu'il puisse paraître logique dans sa filmographie que "Django Unchained" vienne s'y inscrire, il serait peut-être temps d'aller chercher ailleurs pour mettre de l'air et du coeur à tout ça.