Avant d'aller voir le film j' avais en tête cette petite théorie que je vous livre ici.
La filmographie de Quentin Tarantino peut se diviser en deux époques: la première qui couvre les années 90 est composée de la triplette gagnante Reservoir dogs , Pulp Fiction et Jackie Brown,à une époque où le bon Quentin est un "outsider" qui tente de se faire une place dans l' impitoyable univers du cinéma.
Pour cela il déploie tous ses talents avec une narration réellement inventive, une utilisation de la BO phénoménale et un sens du dialogue provoquant hilarité et ahurissement.
Cerise sur la pellicule, chacun de ces films mixait incroyablement culture pop, clins d'oeil de mise en scène, et cinémas de genre ( gangster, policier, blaxploitation, western spaghetti).
La seconde qui débute avec la doublette Kill Bill est celle du cinéaste installé qui tombe dans une sorte de régression adolescente et décide qu' à partir de maintenant il se fait plaisir, se complaisant dans le "jeu fais monter l' attente, l'attente", avant de tout faire exploser...
Le cinéma devient alors pur sexe, d'abord je fais monter le désir; de plus en plus, encore plus, toujours plus, retardant le plus tard possible l' éjaculation libératrice, ah oui j'ai joui, ah oui j'ai fait du cinéma, ah oui c'est trop bon je fais tout exploser, cramer, caraméliser, dézinguer, retapisser en sang.
Tout en se masturbant comme un fou sur la pellicule (affirmant dans les médias que lorsqu 'il ne sera plus possible de filmer autrement qu' en numérique il prendra sa retraite, le pauvre je le comprend, pas facile se branler là dessus..) il joue avec nous pauvre spectateur, otage de sa surenchère, à nous en mettre plein les mirettes( non pas ailleurs désolé les tarantinophobes obsédés), z'avez vu hein ce que je suis cap' de faire moi, le virtuose de la péloche, le sale gosse d ' Hollywood ! Et nous devant l' écran de s' exclamer oh non Quentin pas ça, t 'abuses là...
Bref je m' attendais à peu près à ça avec Django et ne fut ni surpris ni déçu...
Alors, que vais -je retenir de ce western boursoufflé, orgie de sucre et de sang?
Un art du contraste poussé à l' extrême.
Entre raffinement des décors, des costumes, le Vieux Sud version chic décadent ( just a little too much kitsch tout de même....), et la violence de l'esclavage ( la chasse aux nègres fuyards, les coups de fouet et les humiliations, les combat de mandingues, l' étalage quasi sado maso de l' attirail qui harnache ces pauvres hères, la punition du four) de l' autre.
Splendeur muette des paysages, et morceaux de rap, dialogues à la mitraillette.
D'un point de vue purement esthétique j'ai rarement vu une telle palette de couleurs dans un même film.
Comment il parvient à mixer Western et légende germanique, ce type est un mixer humain.....
Comment il règle son compte au Ku Klux Klan dans toute sa splendeur, nouvelle séquence culte dans mon panthéon tarantinien.
La performance d'acteur et le personnage de Steven incarné par Samuel Jackson, le noir qui s'est fait une place dans le système esclavagiste.
Celle de Di Caprio trop excité à l' idée de jouer enfin pour cet autre génie et qui veut lui montrer de quoi il est capable se laissant emporter dans la vague ado régressive pour cabotiner en diable. J'ai à la fois adoré et trouvé ça too much.
Comment la belle demeure de Candyland a été repeinte.
Comment il a réalisé pour son propre compte un kiff perso en plein film ( non je ne spoilerai pas ).
Et que vais-je oublier par coupable indulgence?
La performance d 'acteur de Jamie Foxx dont on se demande s'il ne doit sa présence dans le film au fait qu'il est un des rares acteurs noirs de notre époque sachant monter à cheval comme un cow boy ( Idris Elba aurait été formidable de rage froide )
Le déséquilibre entre une première partie qui se tient et une seconde où le cuisinier après avoir fait trop monter la sauce l' allonge l'allonge, résultat Waltz( je le plains ) m 'est devenu insupportable dans son rôle de beau parleur à la langue de miel et c'est avec soulagement pour lui que je l' ai vu se faire flinguer ( ouais je spoile et alors ? Je fais comme Quentin, mon sale gosse... )
La BO, trop dur j' avoue de sortir du sempiternel Morricone.... Et ce n'est pas ses tentatives d'introduire du rap en fond musical d'un western qui m'ont convaincu....
Malgré cela je continuerai à aller voir les films de Tarantino, parce qu'en moi aussi sommeille un adolescent régressif et surtout parce que ce type a plus de talent que beaucoup de soit disant cinéastes qui squattent nos écrans.
Et vive le cinéma!
PS: après être tombé par hasard sur une interview de ce bon Q, cette réflexion: il a tenté de mixer dénonciation de la violence du système esclavagiste ( globalement première partie) avec violence de la vengeance ( globalement seconde partie ) et violence ludique du sale gosse qui veut dynamiter les conventions ( saupoudrée un peu partout? ), mais cher cuisinier il est des mixages ou des mariages de saveurs qui laissent un drôle de goût dans la bouche, il ose bravo! au risque de désorienter, et de louper....