Si Kubrick a pour réputation de n'avoir pondu que des chefs d’œuvre ou presque (y compris Docteur Folamour), je trouve qu'il est encore, en 1964, dans une phase expérimentale, et Docteur Folamour me paraît moins abouti que tous les films qui le suivront.
Son premier immense succès, très réussi, est Les Sentiers de la Gloire, sorti 7 ans plus tôt. Contrairement à Docteur Folamour, il ne s'agit pas d'une comédie, et l'horreur de la guerre est mise en évidence à travers d'autres procédés, notamment le processus de déshumanisation dont je parle dans ma critique. Si on omet l'impertinence de la comparaison, Les Sentiers de la Gloire est plus maîtrisé, car il s'agit d'un genre auquel Kubrick s'est déjà essayé avec Fear and Desire, son premier film, tandis que Docteur Folamour est, à ma connaissance, la seule comédie qu'il ait réalisé.
Le genre de la comédie est ici très pertinent : le film est sorti dans un contexte de Guerre Froide particulièrement tendu, et l'absurdité de cette situation est bien mise en évidence dans ce film. Ça, c'est drôle tant qu'on se situe dans le contexte, mais beaucoup plus difficile à percevoir avec l’œil d'aujourd'hui. C'est le problème du satyre : le spectateur doit connaître l'ambiance d'origine afin de saisir la véritable portée de la parodie.
Le film nous tire tout de même quelques sourires, bien entendu, étant donné que les personnalités les plus importantes et influentes du Monde se chamaillent tels des enfants, sont tournées en dérision car ne peuvent pas agir pour cause d'impuissance, n'ont pas su cerner une faille essentielle de leur système. Heureusement, le scénario n'est pas réalisable en réalité.
Le film est donc parvenu à me faire rire, mais manque cruellement de subtilité : Kubrick touche au burlesque, avec notamment des scènes volontairement trop longues (je pense aux scènes au téléphones), et si on comprend là où Kubrick veut en venir, ça reste malhabile.
Quitte à voir un film de Kubrick sur la guerre, autant voir Les Sentiers de la Gloire, ou même Full Metal Jacket, le plus récent. Merci à Pretoria dont la critique m'a particulièrement éclairé.