En pleine Guerre Froide, Stanley Kubrick adapte le très sérieux roman Red Alert, sorte de politique-fiction imaginant un passage brutal à ce que certains protagonistes du film appelleront "La Guerre Chaude"... La guerre nucléaire, quoi !
Mais attention, il ne s'agit pas là d'un pur film de guerre ou d'espionnage, mais bien d'une comédie satirique visant, et parvenant, à ridiculiser les arcanes du pouvoir et de ses égo, qu'ils soient politiques ou militaires... Et vraiment, l'humour noir distillé tout au long de Docteur Folamour n'a pas pris une ride.
Un vrai bonheur !
Après quelques jolis et bien plus moches plans aériens, l'intrigue est lancée par ce fameux "Plan R" - avec un R comme Robert - sommant les bombardiers américains se dirigeant vers l'URSS d'y larguer leurs bombes nucléaires. Au début, les pilotes croient à une blague, mais non, on leur demande bien de bombarder l'ennemi communiste ! On apprendra très vite que c'est le Général Ripper qui a pété son câble, enfermant d'abord dans son bureau son second à moustaches, et lui racontant que les soviétiques polluent (fluorisent) l'eau américaine, que depuis il refuse sa "substance" aux femmes, et qu'en gros c'est un anti-communiste primaire complotiste...
Vraiment, le scénario de Docteur Folamour se révèle être un pur régal, avec ce "Plan R" censé à la base servir à riposter en cas d'attaque surprise soviétique, et qui finalement se retourne contre ses occupants politiques en donnant les potentiels pleins-pouvoirs aux militaires. Cette scène autour de la table du Pentagone explique cela bien plus en détail et mieux que moi, je vous rassure ! ^^ D'ailleurs, l'essentiel de l'action se passera dans trois lieux clos : l'un des bombardiers, le bureau du Général Ripper, et le Pentagone. Pentagone où se retrouvent le Président des USA, très à-cheval sur la politesse, et dont les rapports avec le président russe à l'autre bout du fil sont surréalistes ; un autre général va-t-en-guerre s'enflammant d'abord pour le génocide de la victoire ; l'ambassadeur soviétique, spécialiste en photographie espionne ; tout un tas d'autres personnages politiques ou militaires et, enfin... Le Docteur Folamour... Mais je préfère ne pas spoiler la surprise au cas où...
Ces protagonistes s'avèrent au fur et à mesure tous plus égocentriques et pathétiques les uns que les autres. Mais outre cet aspect de dénonciation d'élites centrées sur elles-mêmes, celui de la stratégie se révèle lui aussi passionnant à suivre, et la diplomatie du président américain fera des merveilles... Non pas qu'il veuille véritablement éviter la perte de dizaines de millions d'humains, voire de presque toute l'humanité via "La Machine Infernale", mais il ne voudrait surtout pas que son nom reste dans l'Histoire associé à un tel massacre...
Entre-temps, un petit problème de menue-monnaie qui permettrait d'appeler en urgence le président fera partie des passages hilarants du film, tout comme ce cultissime et impressionnant rodéo atomique. Quant au final, cynique à souhait avec leurs visions sexistes et eugénistes, mais surtout le rappel historique nous soufflant que les deux vainqueurs de la Seconde Guerre Mondiale ne valent dans le fond peut-être pas mieux que le vaincu nazi, il s'avère tout bonnement génial de subversion - et avec toujours autant d'humour. A l'image de son bouquet final.
Une comédie noire absolument nécessaire, malgré ses effets spéciaux d'époque bien kitschouilles ! :)
8,5/10