Cela fait maintenant des années que je me demande précisément sur quel artifice le Marvel Cinematic Universe arrive à convaincre son public. Il me semble évident que la formule suit plus ou moins celle des films Disney : réaliser des univers étranges – mais cependant conformistes et dénués de tous types d'aspérités – afin de pouvoir vendre des produits dérivés de ceux-ci lors d'une publicité présentée sous la forme d'un long-métrage tous-publics. L'on devrait sans-doute remarquer que c'est une méthode d'une efficacité terrifiante. En quelques années – et ça malgré un court passage où la firme était tellement mal gérée qu'elle a fini pourrir sur pied – la compagnie construite par Mickey a su adapter l'intégralité des trésors de la littérature pour en tirer... d'accord, des versions fades dépourvues de cette part de génie qui faisait leur charme. Ce qui n'a pas empêché ces adaptations de supplanter les originaux dans l'esprit de leurs spectateurs ; hein. Rien d'étonnant que les pontes de Marvel aient décidé de se vendre à la firme qui a très nettement inspiré leur modus operandi. Ce qui n'explique pas, d'ailleurs, le succès de leurs films. Est-ce un effet de mode fugace ? Ces récits sont-ils dotés d'une forme de simplicité symbolique susceptible d'être comprises par tous types de publics ? Peut-on considérer qu'il soit ici question d'une forme cinéma destiné à être aisément absorbé par celles et ceux qui sont les moins aguerri(e)s en terme de capacité de compréhension des codes inhérents à la technique cinématographique ? Dur à dire... mais, en tout cas, ça marche.
Une partie de moi – elle est puissante et limite tendancieuse – se sent obligée de faire remarquer à quel point il est incongru que l'on tente d'adapter Doctor Strange de cette manière censément susceptible de satisfaire tant les petits n'enfants que les grands bambins dotés de t-shirts vintage. Et puis quoi encore... Doctor Druid? Shaman? Daimon Hellstrom? Pourquoi pas Alpha Flight tant qu'on y est. Cela pourrait être une comédie décalée sur le fait que – tenez-vous bien à vos foutus fauteuils, true believers, je vais faire tourner l'univers autour de mon majeur – ils sont canadiens! Ah-haaa! L'on sent comme qui dirait un manque évident de grosses pointures dans ce qu'ils peuvent encore adapter de leurs si juteuses licences. Ils auraient comme qui dirait bien besoin d'un petit film Fantastic Four. Vous savez, histoire de prouver que c'est possible. Cela les changerait de tous ces génies insupportables qui découvrent le pouvoir de leur bonté quand une tragédie les pousse à prendre le chemin d'un voyage de découverte personnelle qui fera d'eux de meilleurs êtres humains. Notez, ce n'est pas la faute des Studios Marvel. Ils sont obligés de s'en tenir aux très génériques synopsis de Stan Lee. Le type avait sa propre petite formule... et une étrange forme de mépris pour les professions intellectuelles, d'ailleurs. Voyez le nombre de scientifiques maléfiques qu'il a su injecter dans le ciel de New-York. C'est presque sidérant. On croirait presque qu'il tente de compenser une forme de complexe d'infériorité.
J'imagine que vous connaissez l'histoire – après tout, tout le monde semble de nos jours être fan de comics et ça même si les chiffres de vente indiquent précisément l'inverse – c'est celle d'un chirurgien aux mains brisées qui cherche une réponse aux échecs de la médecine occidentale dans le charlata... dans les mystères mystiques de l'Orient. Il s'appelle... Stephen Strange. (Stan aime arborer ses allitérations adorées et aisément apprises, excelsior!) Ce n'est pas n'importe qui, après tout. Son frère a failli tuer Batman. L'un de ses nombreux neveux finira par devenir un intrépide héros galactique faisant face aux dangers improbables d'avoir un jetpack à proximité de son postérieur. Mais, à ce stade de l'histoire familiale, il n'est jamais qu'un homme étrangement proche par ses caractéristiques physiques d'un acteur du XXème siècle nommé Benedict Cumberbatch. Un choix étrange, d'ailleurs, vous imagineriez qu'un personnage aussi important soit joué par quelqu'un qui a d'autres talents que le fait d'avoir l'air chic quand il porte de la haute-couture. Loin de moi l'idée, d'ailleurs, de sous-entendre que n'importe quel porte-manteau anglais saurait jouer le personnage avec plus d'énergie et de charisme que le bon vieux Sherlock; hein. Je vais donc juste me contenter de le sous-entendre. Très fort. Je trouve d'ailleurs très amusant le fait que son accent américain – qui n'est pas terrible – semble être précisément celui bricolé par Hugh Laurie dans Dr. House. Ah, et que maintenant Strange semble avoir – oh, si c'est pas bête – des pouvoirs temporels qui le rendent soudain très proche d'une version surpuissante de Doctor Who. Oh, fichtre, je suis certain que c'est accidentel ; ça.
En même temps, pour un film écrit et réalisé par le scribe responsable de films comme Hellraiser : Inferno et Urban Legend : The Final Cut... j'imagine que tout ceci s'en sort pas si mal. Vous avez de très jolis effets spéciaux. Des blagues pas drôles livrées sans entrain. Les gens font des katas dans le vide comme dans ce fameux classique de M. Night Shyamalan intitulé Avatar. L'on réprime un bâillement. À suivre avec le Troisième Thor. Ce sera...