Don Camillo,le curé bagarreur,et Peppone,le maire communiste,ont eu de la promotion.Le premier est désormais évêque au Vatican et le second sénateur à Rome,mais leurs hiérarchies les ont surtout promus afin de les éloigner de leur petite ville de Brescello que leurs oppositions violentes mettaient à feu et à sang.Les deux lascars,séparés et coupés de leurs racines,s'ennuient et dépriment dans la capitale italienne mais un litige à propos d'un terrain que se disputent cathos et cocos les ramène dans la plaine du Pô,et les coups fourrés repartent comme au bon vieux temps.Ce quatrième épisode de la franchise "Don Camillo" survient tardivement,six ans après le précédent,"La grande bagarre de Don Camillo",déjà réalisé par Carmine Gallone qui officie donc ici pour la deuxième fois dans cette série.Il faudra attendre encore quatre ans pour voir le suivant,"Don Camillo en Russie",de Comencini,qui sera le dernier avec Fernandel et Gino Cervi.Cette nouvelle adaptation des écrits de Giovanni Guareschi bénéficie encore une fois d'une solide équipe technique avec une production assurée par les français de Francinex et les italiens de Cineriz,la musique composée comme d'habitude par l'excellent Alessandro Cicognini,tandis que le chef-op Carlo Carlini oeuvre pour la première fois dans la saga et signe un magnifique noir et blanc.Il est vrai que ce n'est pas n'importe qui,le gars ayant collaboré notamment avec Fellini,Rossellini ou Comencini.Visuellement,c'est d'ailleurs très réussi,Gallone filmant agréablement et utilisant à merveille les beaux décors de Brescello et ses environs.La scène de la recherche nocturne sur le fleuve d'un potentiel noyé,avec les barques éclairées de torches,est particulièrement belle.Scénaristiquement c'est moins probant.L'inspiration commence à faiblir,ça sent la fatigue,ça manque de rythme et le film est trop long,d'autant que les auteurs se contentent volontiers de recycler des arcs narratifs déjà présents dans les films précédents comme les amoureux en mode Roméo et Juliette,les chamailleries autour de terrains convoités par les deux camps ou les disputes concernant le mariage religieux ou civil.Le point de départ n'est pourtant pas mauvais avec ce retour sur leurs terres des deux "ennamis" pour un ultime baroud nostalgique dans leur pays d'origine.Dommage que le scénario peine à trouver l'équilibre des opus précédents entre humour burlesque et drames socio-politiques.Toutefois ça fonctionne par moments et les tours de cochons que se jouent inlassablement les protagonistes sont parfois très drôles,on retient par exemple le chantage de Don Camillo pour contraindre Peppone à consentir au mariage religieux de son fils ou la double tromperie finale.Par contre,la violence de la situation politique de la période est plus et plus précisément décrite que de coutume,ainsi que l'inféodation des gens de l'époque aux idéologies et aux soubresauts géopolitiques mondiaux.Ainsi,au début du film,Khrouchtchev et Eisenhower ont proclamé la Détente,ce qui fait que cocos et cathos italiens,sans aller jusqu'à sympathiser,font des efforts pour cohabiter et s'entendre.Mais vers la fin russes et américains s'embrouillent à nouveau et se dirigent vers la Guerre Froide,ce qui provoque illico des heurts en Italie entre factions rivales.En outre le film stigmatise la mauvaise foi et l'hypocrisie des uns et des autres.Don Camillo,chrétien de choc,n'hésite pas pour arriver à ses fins à user de mensonge,de manipulation et de violence,comportements peu en accord avec son dogme,alors que le sévère et incorruptible Peppone,déjà soumis à la tentation de l'adultère lors d'un opus antérieur,est cette fois confronté à l'avidité financière.Fernandel et Gino Cervi sont encore prodigieux dans ces rôles qu'ils connaissent parfaitement et ils maîtrisent subtilement les nombreuses facettes de leurs personnages.On retrouve la formidable troupe habituelle des militants communistes bornés et agressifs,les Saro Urzi,Marco Tulli et Alexandre Rignault,ainsi que Leda Gloria en épouse de Peppone.Le casting féminin a été étoffé avec l'arrivée de la pulpeuse Gina Rovere,gauchiste fanatique en délicatesse avec son mari,de la très jolie et toute jeunette Valeria Ciangottini,16 ans à l'époque,en amoureuse éperdue,et de l'ancienne Emma Gramatica,87 ans,dont ce fut un des derniers films,en bigote qui fait de la résistance.