Dongju : Portrait of a poet (2016) – 동주 / 110 min
Réalisateur : Lee Joon-ik – 이준익
Acteurs Principaux : Kang Ha-neul – 강하늘 ; Park Jung-min – 박정민
Mots-Clefs : Corée - Biopic - Poésie- Noir et Blanc
Le pitch :
La colonisation de la Corée par le Japon représente une époque d’interdits. Deux jeunes cousins, Dong-ju et Mong-kyu, grandissent ensemble à la campagne. Tandis que Mong-kyu s’engage dans le mouvement indépendantiste qui prend de l’ampleur, Dong-ju compose des poèmes même dans les moments les plus désespérés, s’attachant à décrire la souffrance et la tragédie que connaît son pays.
Premières impressions :
Aller voir le biopic d’un type qu’on ne connaît ni d’Eve, ni d’Adam, c’est toujours un peu risqué. Alors si, comme moi, vous allez voir le biopic d’un poète coréen tandis que vous ne connaissez rien de rien à la poésie du pays, ça vire carrément à l’héroïsme. Malheureusement, sans connaître l’homme en question, je dois avouer que Dongju a été une longue et pénible séance…
Yun Dong-ju est un poète très connu en Corée, surtout apprécié par la jeunesse. Etant parti au Japon pour faire des études, il se fait arrêter en 1943 pour activisme anti-régime et meurt à 28 ans en 1945 dans une prison japonaise. Si on se réfère à ce bon vieux wikipédia, ses poèmes sont plutôt introspectifs et sensibles, dégageant souvent des sentiments d’anxiété, de solitude puis d’espoir et de courage sur la fin de son œuvre. Bref, un petit mélange de Baudelaire et de Jean Moulin. On comprend pourquoi la jeunesse coréenne accroche. D’ailleurs, plusieurs de mes amis coréens ont été très touchés par le film car ils voyaient à l’écran le contexte d’écriture des poèmes étudiés dans le passé. Certains ont même été bouleversés.
De mon côté, ne pouvant pas faire ce transfert d’émotion, je suis complètement resté de marbre. Le film m’a juste paru horriblement long et j’ai lutté pour ne pas m’endormir. En effet, il faut attendre les 30 dernières minutes pour que les deux comparses commencent vaguement des activités de résistance et donc qu’il se passe quelque chose. Le reste du film n’est que dialogues fades entre Dong-ju et ses différents maîtres à penser ou amis. Ces scènes sont parfois entrecoupées de poèmes, certainement très beaux, mais qui n’ont pas été de nature à me réveiller.
Il faut dire que la réalisation était tout aussi soporifique. Caméra fixe, champ, contre-champ, le tout dans un noir et blanc assez immonde qui donne plutôt dans le gris et gris… Pire, on sent que ce choix n’est pas là pour une dimension artistique, car le film est dénué de toute scène contemplative, mais plutôt dans une tentative assez vaine de donner de l’authenticité au film. Et ce n’est pas mieux du côté des acteurs, car les deux héros principaux sont interprétés par des acteurs de drama qui sont un peu limités sur la palette des émotions…
Cela dit, une chose rachète le film à mes yeux : le traitement de la période.
En général, quand un film coréen s’attaque à la période de colonisation de la Corée par le Japon, ça tourne très vite en mauvais film patriotique, comme dans le récent « The last princess ». Le poète Yun Dong-Ju étant probablement mort de torture ou d’autres crimes de guerre, on aurait pu s’attendre à ce que le réalisateur Lee Joon-ik tombe dans le bashing habituel, mais non ! Lee Joon-ik fait preuve de beaucoup de subtilité, car s’il montre bien les atrocités et le cynisme du régime militaire, il montre aussi de nombreux japonais pacifistes, des civils qui s’opposent à la doctrine impérialiste. Mieux, les officiers japonais ont des convictions ! Ils ne sont pas juste atroces parce que ce sont les méchants, mais bien parce qu’ils semblent convaincus de la nécessité d’un empire asiatique pour résister aux puissances colonialistes occidentales, ce qui était la propagande de l’époque dans l’empire du soleil sanglant, propagande qui, eugénisme mis à part, se tenait quand même un peu. Bien entendu, il n’est pas question pour le réalisateur d’excuser les horreurs commises, mais plutôt de les remettre dans un contexte explicatif. Croyez-moi c’est sérieusement rare en Corée pour être applaudi des deux mains.
En conclusion, si vous ne connaissez pas l’œuvre du poète Yun Dong-Ju, je pense très sérieusement que vous devriez passer votre chemin, sauf à aimer souffrir devant une réalisation de téléfilm et un rythme plus plat que la mer morte. Si toutefois, vous êtes un connaisseur, il est probable que le film vous parlera beaucoup plus, auquel cas je vous invite vivement à venir éclairer ma lanterne sur tout ce que j’aurais pu rater.